Sur le bord de la falaise le chien gémit doucement. Il est midi et c’est le premier jour de l’été.
Le petit cortège a déjà atteint le chemin plat des champs. Quatre garçons robustes soutiennent la longue planche blonde. Du corps allongé, on ne voit que la tête : long cheveux, barbe courte. Le reste du corps est recouvert par le drap écru. A quelques pas marche la fille brune, sans une larme.
Les blés sont immobiles, les pierres se chargent de chaleur sèche.
Et l’air est rempli du bourdonnement monotone des insectes.
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Martin est mort.
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Zelda, de la haute fenêtre, faisait des gestes charmants avec ses mains blanches. Son visage si pâle se détachait sur l’ombre de la pièce. Lui, partait. Comme chaque jour. Il allait s’asseoir sur le tronc d’un arbre abattu et du bout d’un bâton ferré, il traçait sur la terre des lignes mystérieuses. Cela durait des heures. Au coucher du soleil, son pied effaçait les signes. Et il retrouvait Zelda sur le seuil de la maison ocre.
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Pauvre Martin !
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J’avais connu Zelda quand je traversais le pays pour rejoindre la mer. Elle semblait heureuse. Le petit chat gris venait se frotter à mes jambes, le vin clair coulait dans le verre épais. Un jour, elle m‘avait dit :
- Parlez-moi des îles !
Alors, je lui avais raconté mes voyages. Les arbres géants, les lianes, les larges feuilles grasses, les gros fruits rouge et or, le parfum délicat des fleurs.
- J’aimerais y aller un jour…
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Adieu, Martin !
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Zelda serrait son châle, l’automne était frais. Le chien m’avait reconnu, il courait à ma rencontre.
- Vous voilà de retour !
Je lui rapportais une pomme de Mézivir.
- Que c’est beau !
Elle avait pris le fruit dans ses mains et pleurait sans bruit.
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La barque est mise à l’eau. On a couché Martin sur un lit d’algues. Clapotis. Légère brise. Le courant emporte la coque.
Ce soir Martin dormira sur le sable d’Amandîr.
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