Serions-nous entrés dans un temps de guerres ? Certes, on aurait du mal à trouver une période où aucun conflit n’aurait éclaté ici ou là, particulièrement dans l’hémisphère sud. Mais en ce début de troisième décennie du 21ème siècle, la nature et la portée de l’affrontement russo-ukrainien d’une part, et celui qui oppose Israël au Hamas d’autre part, sont les révélateurs d’un risque de séisme dépassant significativement leurs cadres territoriaux. On ne peut ignorer non plus la menace latente de la Chine sur Taïwan que les déclarations sans ambigüité et répétitives de Pékin à ce sujet invitent à prendre très au sérieux.
Le 24 février 2022 l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe donne le coup d’envoi du premier conflit entre deux Etats sur le sol européen depuis quatre-vingt-trois ans. Le 7 octobre 2023 le Hamas déclenche une agression à grande échelle de l’Etat hébreux, lançant des milliers de roquettes sur le territoire israélien, massacrant et enlevant autant de juifs dans les zones frontalières proches de la bande de Gaza. La riposte d’Israël et les prises de positions de différents Etats musulmans, des USA et de l’Europe donnent à ce conflit qu’on peut d’ores et déjà considérer comme la huitième guerre israélo-arabe depuis 1948, la dimension d’une guerre internationale dont les répercussions à l’intérieur des pays non belligérants du Moyen-Orient et d’Occident ne sont pas négligeables. La résonnance médiatique est évidemment considérable, s’accompagnant de débats où l’émotionnel, l’idéologie, l’automatisme mimétique (1) participent davantage à un affrontement binaire qu’à une réflexion éclairante. Déjà la guerre en Ukraine avait vu le retour d’une « communication de guerre » réduisant trop souvent les commentaires à une vision réductrice opposant le « bon » et le « méchant » et empêchant toute étude dépassionnée de la genèse du conflit en confondant l’explication et la justification, le probable et le souhaité. Avec le conflit opposant Israël à une faction palestinienne, la résonnance médiatique est dominée par les réactions émotionnelles et morales, ainsi que par les récupérations partisanes franco-françaises visant à argumenter des positions en matière de politique intérieure, ce qui ne favorise pas une analyse factuelle de la situation. A cet effet de confusion s’ajoute un effrayant déficit de culture, en particulier historique, chez beaucoup de « débatteurs », en particulier chez les politiques.
C’est pourquoi le présent article propose une approche de ce conflit strictement fondée sur le constat des faits, en commençant par rappeler que ce qui a toujours opposé Israël à ces ennemis (2), c’est la contestation par ces derniers de la légitimité de l’Etat hébreux à occuper le territoire sur lequel il exerce sa souveraineté. C’est la cause immédiate des conflits, de 1948 à aujourd’hui. Mais elle n’est elle-même que la conséquence d’un enchainement plusieurs fois millénaire de causes et d’effets : c’est ce que nous appelons la généalogie de cette guerre. C’est en la reconstituant dans ses grandes lignes qu’on pourra avoir une vision claire des raisons du conflit et des perspectives possibles de son règlement durable. Nous distinguerons trois périodes du singulier destin du peuple juif : le temps du royaume, la diaspora, le sionisme.
Le temps du royaume
Sur le plan strictement historique les origines du peuple hébreux sont assez floues car on ne dispose pas de sources suffisamment fiables pour dater son apparition et sa forme. Probablement nomade (le terme Hébreux semblant signifier « qui passe ») et tribal, puis sédentarisé, il apparaitrait nommément, selon certains historiens, dans les Lettres d’Amarna (3) au 14 siècle avant notre ère. Aussi, s’en remet-on généralement au récit biblique dont il est lui-même l’auteur. Quoique portant incontestablement la marque de la mythification propre aux légendes fondatrices, la part de la réalité historique ne peut lui être totalement déniée.
En se référant, sous toutes réserves, à ce récit, on peut donc situer le point de départ à Sem, fils ainé de Noé, puis à Abraham, issu de sa postérité. Abraham quitte Ur, en Mésopotamie, et se dirigeant vers l’ouest, arrive à Canaan (4). Et là est donné le coup d’envoi du destin du peuple hébreux : Yahvé promet au patriarche de lui donner une terre sur ce territoire qu’il pourra s’approprier en éliminant les Cananéens qui sont des idolâtres issus de la postérité de Cham, troisième fils de Noé, maudit pour avoir vu son père nu (5). En fait, ce ne sera que plusieurs siècles plus tard que s’accomplira la promesse divine, après l’esclavage des Hébreux en Egypte, puis l’exode et l’interminable traversée du désert sous la conduite de Moïse, lorsque le roi David imposera la souveraineté israélienne sur Canaan.
Outre l’emprise sur Canaan que semblera reproduire aux yeux des Arabes la fondation de l’Etat d’Israël en 1947-1948 (6), les héritiers de la lignée de Cham pourront reprocher aux juifs d’avoir eu pour ennemis jurés les Philistins (7) dont le territoire se situait sur la méditerranée, à l’ouest du royaume de Juda, englobant ce qui est aujourd’hui la bande de Gaza ! On voit à quel point était déjà planté depuis plus de trois millénaires, le décor de la tragédie qui, aujourd’hui encore ensanglante cette zone du Moyen-Orient.
Par « décor » nous entendons non seulement le cadre territorial, mais aussi -et surtout- les facteurs déterminants d’une tension conflictuelle irréductible. En effet, se fondant sur l’engagement divin de l’attribution d’une terre (qu’on appellera donc Terre Promise) et d’une protection particulière (les Hébreux sont le « peuple élu », c’est à dire choisi par Dieu), les Juifs considèrent que leur présence sur le sol d’Israël est non seulement légitime, mais qu’elle constitue en quelque sorte un devoir puisque voulue par Dieu. Cette conception d’une souveraineté conférée par Dieu ne peut évidemment pas être partagée par des peuples qui, tout en reconnaissant comme écritures sacrées les cinq livres de la Torah (pour les Chrétiens Ancien Testament), n’adhèrent pas à une interprétation « à la lettre » de tout leur contenu, ce qui est le cas des Chrétiens et des Musulmans. Ces derniers sont concernés au premier chef puisque « voisins forcés » d’Israël et n’ayant de cesse de « récupérer » des terres qu’ils considèrent comme usurpées par la force. Quant aux chrétiens ils considèrent que la terre litigieuse n’avait été promise que pour y accueillir le Messie ; celui-ci étant venu en Jésus, elle devient « Terre Sainte » et appartient au christianisme. Ainsi seront légitimées les Croisades, et lorsque fut fondé l’Etat d’Israël en 1948, l’Osservatore romano, organe officiel du Vatican, a pu écrire : L’Israël moderne n’est pas l’héritière de l’Israël biblique. La Terre Sainte et les lieux saints n’appartiennent qu’au christianisme, le vrai Israël.
Pour ce qui est du destin d’Israël, on connait les grandes lignes de ce qu’il fut après la fondation du royaume : dès la mort du roi Salomon, un schisme politique (-931) sépare le royaume en deux (Israël et Juda), préludant à d’incessantes querelles internes qui se poursuivront sporadiquement jusqu’à la dernière destruction du temple et le début de la grande diaspora en 70. Quelques dates : -586 prise de Jérusalem et destruction du temple par Nabuchodonosor, capture et exil des juifs à Babylone ; -536 retour à Jérusalem et reconstruction du temple ; -63 prise de Jérusalem par Pompée (dans le contexte affaiblissant d’une querelle dynastique interne à Israël), le royaume passant sous protectorat romain ; au début du premier siècle de notre ère, la Judée devient une province romaine ; 44 mort d’Hérode Agrippa dernier roi juif de Judée ; 70 prise de Jérusalem par Titus, destruction du second temple.
Après la disparition de leur Etat, les juifs se dispersent dans le Moyen-Orient et en Europe.
La diaspora
Les évènements de 70 ont pour conséquence un exode progressif mais massif des juifs, essentiellement en Europe, en Asie Mineure, au Maghreb et dans certaines régions du Machrek. Il est probable qu’un certain nombre des expatriés ont rejoint des communautés juives déjà existantes qui avaient développé des activités commerciales dans un certain nombre de pays où ils établissaient des sortes de « comptoirs », s’appuyant d’ailleurs sur un réseau propre de relation communautaire qui constituait un atout pour les échanges. C’est ainsi que prend forme et se développe considérablement sous l’effet de l’apport démographique des exilés, cet internationalisme de la diaspora qui alimentera copieusement l’antisémitisme, notamment dans l’Europe chrétienne où les pouvoirs adopteront une position ambigüe, parce que partagés entre les avantages qu’ils savaient pouvoir tirer du recours au réseau juif, notamment en matière de crédit (8), et un nationalisme protectionniste suspicieux à l’égard de gens considérés comme apatrides. Suivant l’oscillation entre ces tendances, les juifs seront tantôt protégés, tantôt persécutés. C’est là la source politico-économique de l’antisémitisme.
Mais il est une autre source qui fut redoutable et durable, au-delà même de l’apogée médiéval de la foi chrétienne, et qui est l’accusation de « peuple déicide ». Certes, si c’est Ponce Pilate qui condamne Jésus à être crucifié (pour sédition), c’est Le grand-prêtre Caïphe et le sanhédrin qui l’on condamné pour blasphème et livré aux romains ; mais on ne peut oublier que c’est Joseph d’Arimathie, membre du sanhédrin qui offre un caveau pour l’inhumation du nazaréen, de même qu’on ne peut oublier surtout que ledit Jésus était juif et respectait la loi (la Torah) qu’il disait ne pas être venu abolir mais compléter.
La prédation financière et l’idéologie religieuse sont donc les deux fondements de l’antisémitisme, se confondant souvent quand le second ne sert que de prétexte au premier. Après une période de relative tolérance, on peut dater du lancement de la première croisade, à l’orée du 11ème siècle, le début d’un antisémitisme endémique au sein des sociétés européennes, lequel ne cessera plus et sera marqué par une alternance de phases d’apaisement et de phases critiques. S’il fallait retenir quelques aspects représentatifs de l’antisémitisme au Moyen-Age, sous la Renaissance et dans les Temps modernes, nous en proposons trois :
- Les pogroms qui se caractérisent par la destruction et/ou le pillage des biens juifs et le massacre de nombre d’entre eux. On retiendra ceux qui ont jalonné, dès la première croisade, l’itinéraire des croisés germaniques et français traversant le centre et le sud de l’Europe pour se rendre à Jérusalem. Ce furent ensuite les émeutes meurtrières qui imputaient aux juifs la responsabilité de la peste ou tout autre épidémie ou calamité. La pratique des pogroms a perduré en Russie jusqu’au début du 20ème siècle.
- Les politiques anti-juives décidées par les Etats ou l’Eglise (par exemple au concile de Latran en 1215. Leur contenu semble avoir inspiré les lois anti-juives du nazisme et de Vichy au 20ème siècle : interdiction de l’accès à des fonctions publiques, interdiction d’exercer certains métiers, port de vêtements ou signes distinctifs (Louis IX imposa aux juifs le port de la rouelle, un bout de tissus rond et jaune cousu sur l’habit qui est donc l’ancêtre de l’étoile jaune).
- Ghettos et expulsions. Saint Augustin, évêque d’Hippone (actuellement Annaba, en Algérie) semble être le premier à préconiser la rétention des juifs à l’intérieur de périmètres urbains sécurisés, ce qu’on peut qualifier « d’expulsion intra urbaine ». Plus radicale est l’expulsion hors du territoire ; on connait, en particulier, celle que la reine de Castille Isabelle la catholique et Ferdinand II roi d’Aragon imposèrent aux juifs en 1492, lesquels durent quitter l’Espagne après avoir été contraints de vendre leurs biens pour des sommes dérisoires.
Il apparait donc que la diaspora juive s’est trouvée dans une situation précaire qui n’a pas empêché les plus habiles et les plus chanceux de s’enrichir dans le commerce et la finance, mais qui s’est avérée de plus en plus « institutionnellement intenable ».
Le sionisme
C’est précisément le constat de l’impossibilité d’une intégration véritable aux sociétés européennes, qui conduit progressivement un certain nombre de juifs à caresser l’idée d’un retour sur la terre ancestrale. Paradoxalement, c’est un juif issu d’une famille austro-hongroise riche et « assimilée », peu portée sur la pratique religieuse, qui sera l’artisan du sionisme politique : il s’appelle Théodore Herzl. Initialement convaincu que l’essor de la démocratie en Europe occidentale éradiquera l’antisémitisme, il change radicalement d’opinion lorsque, envoyé à Paris pour suivre l’affaire Dreyfus par le quotidien où il est journaliste, il est bouleversé de constater l’ampleur de l’antisémitisme dans un pays qui représentait pour lui l’exemple-même des valeurs de tolérance, de respect des droits de l’homme, se référant à la liberté et à la fraternité dans sa devise. Dès lors l’idée s’impose à lui que la seule issue réside dans la création d’un Etat juif indépendant. N’adhérant pas à une vision biblique du projet, d’abord soucieux d’offrir un refuge à une communauté persécutée, il envisage plusieurs hypothèses d’implantation : la Palestine, bien sûr, mais aussi, pourquoi pas l’Argentine ou l’Afrique australe. En 1996 il écrit des ouvrages sur la question, puis il entreprend des démarches diplomatiques « tous azimut » : le Sultan de l’empire ottoman, l’empereur d’Allemagne, le roi d’Italie, le Pape, le gouvernement russe. Elles n’aboutissent à rien de concret, mais Herzl est convaincu qu’un jour la cause sioniste triomphera. Il faudra un demi-siècle, beaucoup d’encre et de sang couleront, mais, effectivement, Israël renaitra. Rappelons les étapes essentielles de cette course d’obstacle : En 1917 c’est la Déclaration Balfour (du nom du secrétaire d’Etat britannique aux affaires étrangères) qui se prononce en faveur de l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine. En 1920, c’est la Conférence de San Remo qui adopte le principe d’un mandat britannique sur la Palestine. En 1922 c’est la résolution de la SDN qui donne ce mandat au Royaume Uni. De 1936 à 1939 c’est La grande révolte arabe qui s’oppose au projet sioniste, réclame la fin du mandat britannique, la fin de l’immigration juive et la création d’un Etat arabe indépendant. En Allemagne, depuis l’arrivée des Nazis au pouvoir l’antisémitisme a d’abord pris la forme d’une politique « classique » (mise à l’écart de fonctions et métiers, identification vestimentaire, lieux interdits, entraves diverses), évoluant ensuite en politique d’extermination ouvertement génocidaire : ce sera la Shoah. Le nazisme élabore une véritable doctrine anti-juive au travers d’une approche qu’il veut scientifique, définissant les caractères physiques et comportementaux d’une « race juive » génétiquement distincte des autres races humaines. Tout aussi scientifique s’est voulue la mise en œuvre d’une « solution finale » dont l’objectif est la disparition totale de ladite race. Paradoxalement, après la chute du IIème Reich, l’impact de la shoah sur les consciences occidentales a favorisé la relance du projet sioniste.
Sur le terrain palestinien, après la parenthèse de la Deuxième Guerre Mondiale, c’est la reprise des troubles. Face aux arabes et aux britanniques apparaissent des organisations armées sionistes : l’Irgoun, la Haganah, le groupe Stern qui, à défaut d’un Etat hébreux, conduisent des actions terroristes. L’Irgoun fait sauter l’hôtel King David, faisant périr 91 civils et militaires (28 britanniques, 19 juifs, 41 arabes). Il est aussi l’auteur du massacre du village de Deir Yassin (254 morts, hommes, femmes et enfants, abattus à la mitrailleuse et à l’arme blanche). Le 14 mai 1948 est enfin fondé l’Etat d’Israël. La première guerre israélo-arabe éclate aussitôt, prélude à trois quarts de siècle d’un conflit permanent jalonné de guerres, d’attentats arabes et de représailles israéliennes.
Les initiatives en vue de la paix se sont aussi multipliées, notamment de la part des USA. Les deux avancées les plus significatives sont les Accords de Camp David en 1978 (Anouar El Sadate et Menahem Béghin en présence du président Carter) et surtout les Accords d’Oslo en 1993 (Yitzhak Rabin et Yasser Arafat en présence du président Clinton) avec lesquels on n’a jamais été aussi près d’une paix durable. Malheureusement, l’assassinat de Rabin par un étudiant juif extrémiste alors que certaines difficultés restaient à régler, a enterré cet espoir.
Les trois anneaux
On peut s’interroger sur le sens du destin du peuple juif, car ce peuple « élu », choisi par Dieu entre tous pour accueillir le Messie, mais peut-être aussi devenant lui-même chargé de mission en étant amené malgré lui a être présent sur toute la Terre, n’a, en fin de compte connu que tribulations, destructions et persécutions. Certes, la terre « promise » lui a été donnée, mais sa capitale emblématique, Jérusalem dont le nom signifie « demeure de la paix » a surtout été le cadre de luttes intestines et d’agressions extérieures avant que les juifs en soient chassés durant deux millénaires. Enfin, quand les rescapés de l’holocauste retrouvent la « terre promise » ce n’est pas pour y vivre sereinement, mais sous la menace permanente d’ennemis qui contestent leur droit à s’y trouver.
Mais il y a plus. Les destins des deux autres monothéismes, christianisme et islam, semblent indissociables de celui des juifs. Alors que le Pentateuque constitue la base commune de ces trois cultes qu’on appelle pour cela « les religions du Livre » et qu’il devrait être le ciment d’une solide entente, ou du moins d’une grande tolérance, leurs divergences ont souvent atteint des phases critiques d’une exceptionnelle gravité. Y aurait-il également un sens aux destins du christianisme et de l’Islam, lié à celui des Juifs ? Comment expliquer, par exemple, que l’Europe chrétienne soit attirée de façon récurrente comme par un aimant par ce Proche-Orient au destin lui-même marqué par des fatalités néfastes ? C’est l’épisode sanglant des croisades, la colonisation hasardeuse du Maghreb par la France, l’exercice périlleux de son mandat sur la Syrie et le Liban (9), les politiques désastreuses des USA, du Royaume Uni et de la France après la dernière guerre d’Iraq et les « printemps arabes » etc. Juifs, Chrétiens et musulmans semblent unis dans une malédiction à laquelle ils ne pourront échapper que par la paix et des partages équitables. C’est le sens du conte Les trois anneaux dans le Décaméron de Boccace (10).
La Shoa a marqué le paroxysme de l’antisémitisme et de la persécution des juifs. Cet holocauste s’ajoutant à 2000 ans de maltraitance du judaïsme sur leur sol, et, vis-à-vis des pays musulmans, à leurs comportements colonialistes (particulièrement pour la France et la Grande Bretagne), a contribué au développement d’une mauvaise conscience dans les pays européens, ne facilitant pas l’acceptation par les parties de leur ingérence dans un conflit où il leur est difficile d’apparaitre avec la force d’une autorité morale incontestable.
Cependant, aujourd’hui, après l’agression du Hamas sur le territoire israélien et la riposte militaire d’Israël qui s’est donné pour objectif la disparition du Hamas, se déroule un conflit qui est déjà internationalisé par ses répercutions intérieures sur les pays occidentaux et l’impossibilité pour ceux-ci de ne pas s’impliquer, ne serait-ce que dans la recherche d’une issue acceptable à une guerre qui pourrait s’étendre à tout le Moyen-Orient.
Quelles issues possibles pour la guerre actuelle ?
En fixant pour objectif l’anéantissement du Hamas (mais quel autre objectif eût été possible ?), Israël a pris le risque d’un conflit durable dont la forme demeure difficile à définir : d’un côté il y a l’armée puissante d’un Etat souverain en état de légitime défense, de l’autre une organisation armée présente de manière clandestine et diffuse sur un territoire où il est impossible de distinguer ses soutiens intérieurs des palestiniens non engagés otages de la situation. On est entre guerre et guérilla. A cela s’ajoute la position ambigüe d’Etats ouvertement ennemis d’Israël mais ne prenant pas le risque d’un affrontement direct (notamment l’Iran), et d’Etats ne se déclarant pas ennemis d’Israël mais soutenant la cause palestinienne. En fait, c’est une configuration qui n’a pas changé depuis 1948. Partant de ce constat on peut envisager plusieurs possibilités concernant la suite du conflit.
- L’enlisement dans une durée indéfinie marquée par l’alternance d’accalmies et d’explosions de violence (mais ce n’est pas une issue).
- L’extension du conflit, y compris l’implication militaire des USA avec le risque de porter à des niveaux dangereux la tension avec la Chine et la Russie (mais ce n’est pas non plus une issue, plutôt le passage à un degré supérieur).
- Peu probable mais à évoquer pour la forme, la destruction totale de la Palestine et son annexion par Israël. L’inverse est encore moins probable, mais dans les deux cas ce serait évidemment une issue au conflit !
- L’issue pragmatique et raisonnable : en partant de la base de la résolution 43-177 du 15/12/1988 de l’ONU et des Accords d’Oslo de 1994, créer un Etat palestinien indépendant et souverain reconnaissant la souveraineté et l’indépendance d’Israël qui lui-même le reconnaitrait dans son indépendance et sa souveraineté. Doté d’une armée et d’une police comme tout Etat souverain, l’Etat palestinien serait responsable de sa sécurité intérieure et devrait veiller à ce qu’aucune organisation terroriste hostile à Israël n’apparaisse sur son territoire. C’est la seule issue possible susceptible de garantir une paix durable.
NOTES
- Sur le mimétisme, voir l’œuvre de René Girard (1923-2015), notamment Mensonge romantique et vérité romanesque et La violence et le sacré.
- Par « ennemis » et selon leurs manifestations tout au long de la période allant de 1948 à nos jours, nous entendons aussi bien les organisations armées palestiniennes (OLP, Hesbollah, Hamas) que des Etats (Egypte, Jordanie, Syrie, Iran, en particulier) impliqués ou non dans des conflits.
- Les Lettres d’Amarna sont des tablettes portant des caractères cunéiformes découvertes en Haute-Egypte durant le dernier quart du 19ème siècle. Il s’agit d’une correspondance datant du 14ème siècle avant notre ère, entre des pharaons et des rois de Canaan. Dans une de ces tablettes il serait fait référence à un peuple qui pourrait être les Hébreux.
- Le pays de Canaan correspondait à une étendue territoriale qui comprendrait aujourd’hui Israël, les territoires palestiniens, le Liban, l’ouest de la Jordanie et de la Syrie.
- Cette terrible malédiction (que Canaan soit l’esclave de Sem !) qui justifia l’agressivité des Hébreux à l’égard des Cananéens et la prise de leur territoire, n’est expliquée par la Bible que par le fait que Cham découvrit son père nu sous sa tente. Il y a là quelque chose d’incompréhensible qui semble arbitraire. En effet, Noé s’était dénudé après s’être énivré. Comment Cham aurait-il pu éviter cette découverte puisqu’il ignorait l’état de son père ? Sem et Japhet, au contraire, avancèrent à reculons pour déposer un manteau sur le corps de Noé parce que Cham les avait avertis.
- 29 novembre 1947 : résolution 181 de l’Assemblée générale de l’ONU actant le partage de la Palestine entre Israéliens et Arabes ; 14 mai 1947 : fin du mandat britannique, proclamation de l’indépendance de l’Etat d’Israël.
- Les Philistins seraient venus de Crète, des Cyclades et d’Asie Mineure. Ils ont eu pour principaux ennemis l’Egypte et Israël. Peuple maritime, ils régnaient sur plusieurs cités-royaumes. On connait par la Bible le personnage de Dalila, la séductrice de Samson, et le géant Goliath vaincu par David.
- Il est intéressant de noter que les pratiques financières facilitées par le recours à un réseau furent également celles de l’Ordre du Temple, « banquier » des puissants dont le roi de France. C’est ce pouvoir financier qui entraina sa perte. Comme Philippe le Bel voulut s’emparer des bien du Temple, les Nazis et leurs complices s’emparèrent des biens juifs.
- Ce mandat, comme celui donné au Royaume Uni pour la Palestine, fait suite à la Première Guerre Mondiale. La Turquie qui avait été l’alliée de l’Allemagne en sort vaincue. C’est l’effondrement et le dépeçage de l’Empire Ottoman, déjà affaibli par les conquêtes de la coalition arabe suscitée par le colonel Lawrence, agent britannique (c’est le fameux Lawrence d’Arabie que popularisa dans la décennie 1960 le film de David Lean).
- On peut trouver l’intégralité de ce conte sur Internet.