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La Boétie et Foucault

Quand la servitude volontaire accoucha le biopolitique
22 mars 2024 par
Simon Couval

Tant de services pour le bien collectif, la ville des quinze minutes en particulier, le projet Neom pour demain. L’ère des longs trajets se meurt. Le train à couchette a définitivement quitté le monde du réel mais pas celui du rêve. Le temps où l’on pouvait prendre le volant nomade pour s’échapper de la turpitude quotidienne s’envole petit à petit, le covoiturage puis le pilotage automatique à la Tesla pour éviter le gaspillage pétrolier. Cette adaptation au monde est saisissante. Nous y arrivons par la possibilité de s’unir pour un but commun. L’actuel traumatisme généré par la Covid a démontré avec puissance que le tout numérique était en voie de devenir le préambule à la vie de demain, où le biologique et le numérique ne feront plus qu’un.


Il est important de notifier que si tel était le cas, les animaux sociaux que nous sommes auraient réussi à détruire toute la culture historique au profit de la culture économique. En soit, vendre son corps ou une partie devrait être l’universel..


A la suite de ce constat, un nouveau capitalisme aurait émergé. Celui du capitalisme de surveillance. Petit rappel de l’évolution de ce dernier. On détermine son essor durant le XIXe siècle. Puis celui-ci aurait évolué en trois étapes, à trois géométries. La première au XIXe siècle, un capitalisme horizontal (concentré sur la recherche au niveau du sol, ici des rivières), basé sur la fameuse « ruée vers l’or » américaine. La deuxième au XXe siècle, un capitalisme vertical (concentré sur la quête en profondeur, sous le niveau du sol), « ruée vers le pétrole ». Puis le petit nouveau du XXIe siècle, un capitalisme circulaire englobant l’horizontal et le vertical (concentré sur la surveillance de l’homme et de ses actes) pour une « ruée des techno-données ».

De tout temps, le capital a dû acquérir un matériel ou un bien pour en tirer profit. Celui d’aujourd’hui aura la mainmise sur notre vie.


Nous voici donc arrivé dans le vif de notre article. Il est certain que l’Histoire ne se résume pas aussi facilement. Mais il nous a semblé important de traiter de la notion de « biopolitique » dont si peu connaissent l’existence et qui pourtant découle très probablement des constats établis à l’époque par les philosophes de Francfort au sujet des personnalités autoritaires et de la violence. S’il faut en parler, c’est bien parce que l’analogie entre un concept des années 70 et notre actualité est for marquante.

Porté sur la population et les individus, le biopolitique de Michel Foucault, fut une nouvelle manière d’aborder le pouvoir non plus « politisé », passant par la culture des individus, mais « biologisé », passant par la santé d’un individu. S’appuyant sur les différentes épidémies qui ont précédé l’Histoire, il s’interroge sur la nécessité d’un tout ensemble où l’individu serait dépossédé pour le bien de tous. C’est au travers de ses 10 leçons (de Janvier à Avril 1979) dispensées durant la période où il siégeait au Collège de France. Une autre de ses œuvres très connue est « Surveiller et punir ». Ces deux ouvrages réunis forment sa pensée. Par esprit de synthèse, il semblerait qu’il avait réussi à matérialiser dans ses écrits les mesures gouvernementales prises en 2020 (confinements et surveillance des uns et des autres grâce à l’assistance des patrouilles en garde). Maintenant que la société de Foucault fût amorcée, nous sommes maintenant au clair sur les prérogatives de demain, les actions individuelles seront observées pour le bien commun. Si bien que l’écologie deviendrait plutôt un prétexte pour limiter l’individu dans l’espace, taxe carbone et périmètre de sortie, et dans le temps.


Le biopolitique aura inventé les dispositifs de quarantaines et aura de suite prévu les bouleversements sociaux et économiques, conséquence de la paralysie d’une société à l’échelle internationale, nationale, régionale jusqu’à la propriété individuelle (inflation, pénurie etc..). Il est certain que le biopolitique utilise encore plus la peur pour initier de sévères traumatismes de changement. La peur, c’est ce logiciel qui permet à un être humain d’être reprogrammé comme un ordinateur avec un nouveau système d’exploitation. Cette société de surveillance, pour se maintenir, devra inaugurer de nouvelles institutions avec de nouvelles technologies libérales sécuritaires. A l’image du très célèbre 1984 d’Orwell, il est probable que de nouveaux fonctionnaires seront en charge d’opérer telle ou telle décision sur un type de quarantaine à exécuter afin de réguler soit le flux économique ou soit le flux social. Ce nouveau pouvoir, ce fameux gouvernement des vivants, aura réussi à atteindre ce que bon nombre de tyrans n’avaient pas réussi à obtenir, le consentement de tous.


Ce qui nous emmène à réfléchir sur cette notion de « servitude involontaire ». Ou par rapprochement, revient à faire mention de l’ouvrage « Discours sur la servitude volontaire » du jeune et proche ami de Montaigne, Etienne de la Boétie. Servitude involontaire puisque chacun de nous fait partie du règne du WWW. Non pas pour « World War Web » mais pour « World Wide Web ». Cette toile, puisque c’est ainsi qu’on la nomme, cache une araignée. Invertébré qu’on aurait préféré ne pas voir comme symbole de l’humanité (sauf pour le cas de Louis XI..). On aurait de loin préféré le « cocon » d’un papillon. Qui est un symbole plus prometteur. Car le but de la toile pour l’araignée, c’est bien de piéger ses victimes afin d’en faire un bon repas. Et c’est le cas, telle un Big Brother, l’araignée nous envenime avec son flux d’information quasi religieux et récupère son nectar dans notre temps passé à être sur internet. Son repas, c’est nous, nos données numériques. Au début, l’idée qu’internet soit une grande bibliothèque comme Alexandrie était plutôt judicieux. Seulement, n’ayant pas été assez vigilant et malgré ce que notre cher Etienne aurait pu nous dire, notre penchant pour le vice à la soumission pour les tyrans et les illusions, a tout fait basculer. Référence à Platon, pour sa Caverne, à Ulysse pour ses sirènes. Rappelons également que la cause commune du déclin des grands Empires a toujours été leur soif de s’agrandir. L’araignée devient trop lourde pour sa toile. Au final Foucault a très bien compris Etienne et Etienne nous a très bien compris.


Il est temps d’espérer maintenant recréer un monde plus local, plus sédentaire. A fédérer autour d’un nouveau contrat social à l’échelle du territoire géographique. A créer des lieux complets (où se mêlent partage, expérience, souvenir etc.) autour d’activités essentielles pour l’espèce (agriculture, sylviculture etc.). A devenir mesuré et juste quant à l’utilisation des outils numérique (un pied dans le passé et dans le futur, mais pas que dans l’un ni que dans l’autre). Voici une petite base pour un nouvel espoir souverain et durable que l’on traitera dans un prochain article.