Dans notre article Généalogie du chaos, nous avons évoqué les facteurs concourant à un dérèglement mondial général ; notamment le dérèglement climatique et le dérèglement social qui se traduisent par la multiplication et la diversité d’épisodes de violence : violence de la nature (séismes, crues, méga-feux, tempêtes) et violence des hommes (guerres, émeutes, criminalité, narcotrafic, extériorisation croissante de la haine). Le cours de l’histoire semble de plus en plus hors de contrôle et les perspectives d’une issue cataclysmique ne manquent pas, depuis un conflit nucléaire dégénérant en suicide collectif, jusqu’au scénario de l’astrophysicien Stephen Hawking d’une Terre surchauffée se transformant en boule de feu. Face à cette situation on peut se poser la question qui vient toujours à l’esprit en présence d’un dysfonctionnement : mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pour y répondre avec discernement, contrairement à tous les responsables que submerge le déferlement provoqué par une rupture généralisée des digues, nous prendrons le recul nécessaire en ne nous focalisant pas sur la recherche des causes immédiates, mais, comme à notre habitude, en dirigeant notre regard sur le rétroviseur de l’histoire. Car pour tenter de comprendre ce qui arrive aujourd’hui, il faut remonter aux origines de l’humanité. Mais oui !
Mythologies
On sait combien les mythes, même hors croyance, ont de tous temps influencé le mental des peuples. Généralement associées aux civilisations de l’Antiquité parce que particulièrement « construites », les mythologies sont une constante de la pensée qui reflètent des visions du monde résultant de réponses irrationnelles mais néanmoins raisonnées aux grandes questions que se posent les groupes humains.
L’Occident, pour ce qui le concerne, a connu l’influence de deux principales sources de mythes répondant par « quoi » et « pourquoi » à la question des origines du cours épique de l’histoire de l’humanité : le corpus biblique judéo-chrétien et les mythes et légendes du monde gréco-romain.
S’agissant de la Bible, tout y commence par la Création d’un monde parfait, sorte de grand parc animalier où un homme et une femme coulent innocemment des jours heureux. Pas tout à fait parfait, cependant, puisqu’il y a là un serpent qui va inciter la femme à transgresser le seul mais capital interdit divin : ne pas toucher à « l’arbre de la science du bien et du mal ». Pris au premier degré de lecture, ce récit est particulièrement naïf. En effet, puisque Yahvé est tout-puissant, comment le pernicieux serpent a-t-il pu s’introduire dans le jardin édénique ? Puisqu’il ne fallait pas que l’homme et la femme touchent au fruit de l’arbre, pourquoi l’avoir laissé à leur portée, c’est-à-dire les tenter (on parle du serpent tentateur, mais le premier tentateur c’est Yahvé !) ? Si c’est pour tester leur obéissance, c’était prendre un grand risque etc. etc. etc.
Un autre niveau de lecture prenant en considération le caractère symbolique des personnages et des situations, permet de s’interroger sur l’éventuelle historicité qu’il cacherait, révélant un « drame ancestral » ayant marqué durablement l’humanité. Le mythe du « fruit défendu » et de la transgression d’Adam et Eve doit être rapproché du mythe de Lucifer, l’ange rebelle « porteur de lumière » qui pourrait aussi symboliser un « vol » de la connaissance. Du coup ce mythe doit être lui-même rapproché de celui de Prométhée qui dérobe le feu de l’Olympe et éclaire les hommes. Le « péché originel », la révolte de Lucifer et l’acte subversif de Prométhée ne sont-ils pas trois représentations symboliques d’un conflit originel dans l’histoire humaine ? Un conflit dont les hommes ont fait les frais, mais qui semble d’abord avoir eu pour protagonistes les dieux et leurs proches. Or, s’il s’agit d’histoire et non de religion, les dieux seraient en fait une caste supérieure exerçant leur domination sur les hommes. Et si la lumière et le feu représentent la connaissance, le conflit aurait donc opposé les principaux dirigeants de cette caste, désireux de ne pas partager des connaissance essentielles avec le peuple, et des dissidents opposés à cette rétention. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que dans les mythologies contemporaines apparues au 20ème siècle, le mythe des Extraterrestres n’est qu’une reprise des mêmes ingrédients dans un décor actualisé à la lumière des technologies du présent. Les partisans de « l’Allien Théorie » (1) soutiennent que des extraterrestres ont procédé à des transferts de technologie auprès des humains et évoquent aussi des conflits entre factions extraterrestres. En toute hypothèse, à une époque remontant à la nuit des temps, il s’est incontestablement passé « quelque chose ».
Grace aux considérables avancées technologiques des dernières décennies, l’exploration de l’espace ne se limite plus à la relative « proximité » du système solaire. Elle vise maintenant les confins de la galaxie et au-delà. La découverte des exoplanètes et la théorie des « trous de vers » ont ouvert des perspectives où les potentialités scientifiques rejoignent les scénarios de science-fiction. Inspiré peut-être par le dérèglement climatique et les alertes de Stephen Hawking, à moins que ce ne soit tout simplement par l’instinct colonisateur (prédateur ?) de l’homme, est apparu le concept de « terraformation » qui peut se définir comme une transformation de la biosphère d’une planète pour y créer des condition de vie adaptée à l’humain. Les actuelles missions sur Mars semblent confirmer l’intérêt que ce concept a éveillé chez les scientifiques et les responsables politiques.
Nous ne pouvons négliger le rapprochement possible entre ces réalités scientifiques et une relecture à leur lumière des récits mythologiques. L’idée, digne de l’Alien théorie, que l’Eden où vivait l’homme avant la « chute » était le territoire d’une planète « originelle » et qu’il en a été chassé/exilé pour rejoindre la Terre où nous vivons depuis et qui a peut-être bénéficié alors de ce que nous appelons aujourd’hui « terraformation », n’est pas si absurde. A condition de considérer que Yahvé est la représentation des maîtres de l’Eden (les Elohim bibliques ?). La remontée vers la « Jérusalem Céleste » annoncée par l’Apocalypse de Jean pourrait signifier la fin de l’exil après d’ultimes tribulations. Le « Paradis Terrestre » est-il une planète quelque part dans l’univers ? Pourquoi pas !
La tradition initiatique
L’initiation peut se définir comme la transmission d’une « influence » à un récipiendaire reconnu apte à la recevoir, ainsi que la communication de connaissances qu’il ne doit pas partager avec de non-initiés. L’influence reçue par l’initié agissant « subconsciemment », lesdites connaissances dépassent de simples éléments de savoir et relèvent d’une sorte d’illumination intime qui, par nature, est incommunicable. C’est à cela, ainsi que par l’oralité de la communication qui ne laisse pas de trace écrite, que tient le secret de l’initié, plus qu’à son mutisme sur le sens caché des symboles qui constituent la base du langage initiatique.
La tradition initiatique c’est la transmission ininterrompue des éléments rituels qui assurent l’effectivité de l’influence initiatique par les voies physiques de la parole, de la gestuelle, des postures, des déambulations et attouchements. Elle repose sur des réseaux d’initiés rattachés à des organisations initiatiques régies par des règles. Ces organisations opèrent une distinction nette entre le « monde profane », l’extérieur (les non-initiés, l’espace sociétal) et l’intérieur initiatique de l’espace sacralisé où se déroulent les rites et les échanges entre initiés. Cet espace peut être constitué par la matérialité d’un lieu (un édifice) ou simplement par la réunion « sécurisée » (à l’abri des regards et des ouïes) d’un groupe d’initiés. Au Moyen-Age, dans certains lieux connus des initiés (par exemple une auberge) on plaçait un pot d’étain ou de terre couvert contenant une préparation à base de roses ou des pétales de cette fleur à forte connotation symbolique. Si l’on se retrouvait seulement entre initiés on ôtait le couvercle (d’où l’expression « découvrir le port aux roses, c’est-à-dire le secret) ; s’il y avait la présence de non-initiés (profanes) le pot restait couvert.
Certaines organisations initiatiques ont fait le choix de la discrétion, voire du secret. D’autres ont fait souche sur des institutions religieuses, notamment des ordres monastiques (2), ou des confréries de métiers (3) en y pratiquant deux niveaux d’enseignement et de pratiques : un niveau exotérique accessible à tous, un niveau ésotérique réservé au membres jugés aptes à y accéder.
Visibilium et invisibilium
C’est le Crédo catholique qui le dit : Dieu est créateur de l’univers « visible et invisible ». Autrement dit il y a une partie de la Création qui n’est pas visible par les humains. Il ne peut s’agir de la notion métaphysique de « l’incréé » (ce qui n’a pas été créé mais qui peut l’être, demeurant dans la potentialité créative du Dieu Tout-Puissant) puisqu’il est question d’univers créé. Il ne peut pas non plus s’agir de la limite sensorielle de la visibilité que peut dépasser l’exploration puisque l’adjectif « invisible » signifie « ne pouvant être vu », sans limite temporelle de cette impossibilité. Néanmoins, le Crédo, comme toutes les prière -à l’exception peut-être du Notre Père qui aurait été enseigné par Jésus- est une affirmation humaine de la foi. Son contenu ne procède pas d’une révélation divine, comme peuvent être considérés, par exemple, Les Dix Commandements, mais d’un postulat qui peut tout simplement manifester la volonté de l’Eglise de l’intégrer à sa doxa pour la rendre indiscutable par les fidèles. C’est ancrer dans les esprits l’idée qu’il y a « des choses [qui doivent demeurer] cachées depuis le commencement du monde (Matthieu 13, 35). La citation intégrale commence par « j’ouvrirai ma bouche, je perlerai en paraboles (variantes : similitudes, comparaisons, selon les versions) ». C’est laisser entendre que ce qui est caché peut néanmoins être dévoilé, mais dans le langage « codé » et analogique du symbolisme : c’est exactement ce dont se réclame la tradition initiatique. Nous pourrions ajouter « comprenne qui pourra », c’est-à-dire qui est initié ! Cela revient à admettre qu’il y a des connaissances qui peuvent être communiquées à certains (et on comprend que c’est une minorité, une élite) mais ne doivent pas être accessibles au plus grand nombre. Mais de quoi peut-il s’agir et pourquoi ce secret ?
Prométhée enchainé
Il apparait donc que sous le couvert d’un langage symbolique ou de formulations plus ou moins sibyllines, les mythologies et les traditions spirituelles nous disent qu’en des temps qu’on peut qualifier de « primordiaux », des choses qui n’auraient pas du l’être ont été révélées à la suite de la rébellion d’une partie de l’élite gravitant autour de ce que nous appelons aujourd’hui « les instances dirigeantes » du monde. On les a personnifiées par le serpent de l’Eden, Lucifer ou le titan Prométhée.
Le mythe prométhéen nous dit que Zeus (le « grand patron »), pour le punir d’avoir dérobé le feu du Ciel (la connaissance cachée), l’a enchainé à un rocher où un aigle lui dévore en permanence le foie. L’enchainement de Prométhée peut s’interpréter non seulement comme un châtiment, mais aussi comme une mesure de précaution pour l’empêcher de perpétuer son œuvre de divulgation.
Mais le mythe ne s’arrête pas là. Il s’agit aussi de donner une leçon à ceux que la curiosité conduirait à découvrir ce qu’ils n’ont pas à connaitre. Ainsi confia-t-il à Pandore, épouse d’Epiméthée, le frère écervelé de Prométhée, la garde d’une jarre qu’il ne fallait pas ouvrir. Evidemment Pandore l’ouvrit et il en sortit tous les maux du monde ! De cette partie du mythe il faut retenir que le secret a un rôle protecteur. C’est d’ailleurs à ce titre qu’est légitimé le secret.
La nécessité de maintenir un secret « protecteur » sur certains éléments d’information est encore assez généralement admise aujourd’hui dans un certain nombre de domaines : Armée (stratégie, installations sensibles, informations sur l’ennemi potentiel), industrie (procédés et formules de fabrication, stratégie commerciale), santé (état de santé des patients), correspondance, informations bancaires individuelles etc. L’impératif du secret se fonde sur l’idée que la divulgation de son contenu pourrait mettre en danger la collectivité, engendrer de graves désordres, faire subir un préjudice irréparable à des personnes, porter atteinte à des intérêts vitaux, notamment. Aussi, quand un secret est remis en cause, le débat porte moins sur la légitimité du secret en soi, que sur celle de son contenu et de sa portée.
Les organisations initiatiques traditionnelles légitiment le secret suivant la conviction que résument ces mots : « un peu de lumière éclaire, trop de lumière aveugle ». Toutes les institutions, notamment politiques et religieuses, qui ont frappé certaines informations ou connaissances du sceau du secret, se persuadent qu’en agissant ainsi elles protègent l’intérêt général des risques qui résulteraient de leur divulgation, réservant celle-ci à une minorité jugée apte à partager le secret sans en faire un usage à risque. C’est évidemment une conception élitiste s’opposant aux convictions égalitaristes qui ont dominé la pensée occidentale depuis quelques siècles. Une rétrospective historique aide à comprendre cette évolution.
Jusqu’au 14ème siècle environ, l’autorité spirituelle de l’Eglise était incontestée, reconnue par la grande majorité des chrétiens et redoutée par les monarques eux-mêmes qui savaient le risque de déstabilisation de leur pouvoir temporel s’ils venaient à être excommuniés. Or, vers la fin du 14ème siècle commence une série d’évènements qui ébranlent cette autorité. C’est d’abord le « Grand Schisme » qui de 1378 à 1417 se traduit par une double papauté (Rome et Avignon). Puis, sur fond de pontificats marqués par la corruption et même la criminalité (comme celui d’Alexandre VI Borgia), c’est le mouvement de la Réforme déclenché par la dissidence de Martin Luther (1483-1546) qui aboutit à scinder le christianisme en deux religions concurrentes, le catholicisme et le protestantisme, s’affrontant dans des « guerres de religion ». Enfin, c’est la remise en cause de la doctrine astronomique géocentrique et d’une terre aux contours incertains, par des scientifiques éminents tels que Galilée (1564-1642) ou Giordano Bruno (1548-1600) qui inspireront une exploration des confins de la Terre débouchant sur les voyages de Christophe Colomb (1451-1506) abordant l’Amérique en croyant débarquer en territoire indien, et d’Amérigo Vespucci, son presqu’absolu contemporain (1454-1512) qui, lui, en atteignant les côtes du Brésil, eut la conviction qu’il découvrait un nouveau continent (qui portera pour nom son prénom !).
On peut se poser la question de savoir pourquoi l’Eglise s’est si violemment opposée à l’héliocentrisme, à la rotondité de la terre et plus généralement à l’infinité de l’univers et à la gravitation universelle, n’hésitant pas à incarcérer, voire à bruler, les récalcitrants. On peut d’autant plus se la poser que cet « obscurantisme » se fondait sur une question de principe et ne résultait pas de l’ignorance. En effet, les pontifes et leur entourage de clercs avaient accès à l’important corpus des écrits d’auteurs de l’Antiquité qui, comme certains présocratiques, évoquaient déjà ces notions. La réponse nous semble évidente : l’Eglise était persuadé que la révélation prématurée de certaines connaissances pouvait constituer un danger pour l’humanité.
Prométhée déchainé et les épiméthéens
Prométhée déchainé
Les 14ème et 15ème siècles marquent un clivage capital dans l’histoire de l’Occident. On les retient comme dates de la fin du Moyen-Age et de l’époque des mouvements intellectuels, artistiques et politiques qu’on appelle Renaissance. Les lectures de l’histoire influencées par les partis-pris doctrinaux, en particulier le pan-rationalisme du 19ème siècle sous-tendu par un anticléricalisme, voire un athéisme, combatifs, ont offert une vision caricaturale de ce clivage, opposant un obscurantisme médiéval exerçant un totalitarisme religieux sur la pensée et ses expressions, à une libération des esprits ayant conduit aux avancées scientifiques pour le plus grand bien des peuples. En fait, ce qui distingue le Moyen-Age de la Renaissance et de la période suivante qu’on a appelée « les temps modernes » (16ème au 19ème siècles), ce sont deux modes de pensée et deux conceptions de l’homme concourant à deux visions du monde moins opposées que totalement étrangères l’une à l’autre.
Du Moyen-Age on pourrait dire qu’il est le règne de Dieu. Rythmé par les trois angélus, le quotidien des individus est voué au travail pour la survie matérielle et à la prière pour le salut de l’âme. En des temps où la vie biologique est relativement éphémère et les occasions de la perdre nombreuses (famines, guerres, razzias, épidémies), on ne la perçoit pas comme une valeur majeure et on se préoccupe davantage de l’après-vie, c’est-à-dire de l’au-delà. La contrepartie de cette précarité est que la moyenne d’âge de la population est peu élevée : c’est une population jeune (on est considéré comme majeur entre 12 et 15 ans), ce qui lui confère un certain dynamisme et une certaine vigueur « animale » favorisant la production et une natalité qui compense la mortalité, notamment infantile, qui est forte. D’un quotidien terrestre ardu, souvent hostile, on n’attend pas grand-chose ; en revanche on espère beaucoup du Ciel, c’est-à-dire de Dieu, de la Vierge, des anges et des saints : d’où la piété, la croyance aux miracles, le culte des reliques, l’engagement dans les grandes entreprises qui célèbrent la gloire de Dieu ou défendent la religion (construction des cathédrales, croisades).
Avec la Renaissance commence le règne de l’homme. Puisant dans l’héritage philosophique des Anciens, un courant philosophique et moral s’impose, revalorisant la vie ici-bas et considérant que dans l’attente de l’Au-delà, les individus ont droit au bonheur sur Terre ; c’est l’Humanisme, dont les figures emblématiques ont vécu à cheval sur les 15ème et 16ème siècles : Erasme (1466-1536), Thomas Moore (1478-1535), Rabelais (1494-1553), notamment. Prudent, car l’Eglise, quoique affaiblie, est encore puissante, l’humanisme insinue peu à peu une nouvelle vision du monde en usant parfois du cryptage symbolique et de l’allégorie, et en influençant les mœurs au travers de l’art et de la représentation de la vie, y compris dans les thématiques demeurant d’inspiration religieuse. Nous citerons pour l’exemple le David et les fresques de la Sixtine de Michel-Ange où l’on voit bien que la base biblique n’est que prétexte à l’exaltation de la beauté des nus masculins. Plus discret est Léonard de Vinci, mais le traitement des personnages de ses toiles et de ses fresques les rend « très humains ».
Cependant, la Renaissance n’est qu’un détonateur, seulement les premières vagues écumeuses annonçant le déferlement à venir d’une lame de fond qui provoquera à partir du 20ème siècle un tsunami. Une aspiration à la liberté de plus en plus affirmée aboutira en France à la Révolution et s’étendra à l’Europe, tandis qu’outre-Atlantique elle est un des fondements de la nouvelle fédération indépendantes d’Etats : les USA. En France, les plus exaltés des révolutionnaires (peut-être aussi les plus romantiques !) déifient la Liberté et la Raison. Il y a pourtant beaucoup de tyrannie dans la Terreur et plus tard dans le bonapartisme, comme il y a beaucoup d’irrationnel dans cette « foi » dans un progrès conceptualisé en logique historique au parfum de messianisme (annonçant le marxisme). Bref : bien que ne devant rien à quelque puissance de « l’En-Haut » mais procédant de la plus humaine immanence, cette dynamique peut être qualifiée de prométhéenne, car elle agit comme si on avait brisé les chaines emprisonnant le titan.
Les épiméthéens
Nous avons déjà présenté Epiméthée, frère antithétique de Prométhée. Sans doute faut-il préciser l’étymologie grecque de son nom : « celui qui réfléchit après ». Voilà pourquoi nous qualifions d’épiméthéens tous ceux qui ont été et sont encore nombreux à vouer au mythique progrès un culte irrationnel dangereux faisant a priori l’impasse sur les conséquences de toute invention ou découverte, notamment en les livrant à des pouvoirs politiques et économique qui les exploitent à des fins servant leurs intérêts. Certains d’entre eux, émettent a postériori des regrets et même des remords, dénonçant les risques inhérents à ce qu’ils ont créés. Deux cas sont très représentatifs de ce syndrome d’Epiméthée : Robert Oppenheimer, un des pères de la bombe atomique (4) et Geoffrey Hinton, un des pères de l’IA. Oppenheimer aurait cité cet extrait de la Bhagavad Gita : « Maintenant je suis devenu la mort, le destructeur des mondes ». Quant à Hinton, il se répand sur les médias en alertes sur les risques déshumanisants de l’IA. Parmi les épiméthéens, citons encore Nobel l’inventeur de la dynamite, qui voulu se racheter en créant son célèbre prix, Kalashnikov et sa fameuse mitrailleuse déplorant son effet meurtrier massif, ou encore Arthur Galston, créateur de « l’agent orange », un désherbant utilisé massivement au Vietnam par l’armée américaine pour son effet de déforestation.
L’image du savant fou n’appartient pas qu’à la littérature de fiction ou aux BD humoristiques. Certains scientifiques ont imaginé (c’était avant le dérèglement climatique) de détacher d’énormes morceaux de la calotte glacière polaire pour les acheminer via les océans vers les région désertiques afin de les irriguer. D’autres n’ont pas hésité à préconiser l’utilisation d’explosions nucléaires à diverses fins du même type d’inspiration. Ce qui est navrant c’est de constater qu’il y a toujours une proportion non négligeable de la population, tout aussi « épiméthéenne », qui accorde du crédit à ces théories d’apprentis sorciers. Récemment, lors d’un débat télévisé sur l’IA l’opposant à un philosophe, un médecin déclarait être prêt à faire réaliser des implants numériques dans son cerveau et celui de ses enfants, afin de ne pas être supplanté par les machines. Autrement dit, il choisissait de devenir en partie une machine pour parer à la suprématie de la machine, plutôt que d’imaginer qu’on pourrait contrôler les machines !
La boite de Pandore
Lors des émeutes du printemps 1968 en France, apparut un slogan qui sous forme d’une boutade véhiculait quelque chose de très révélateur du déferlement prométhéen de la fin du 20ème siècle : « Il est interdit d’interdire ! ». Evidemment, cela concernait les interdits venant du pouvoir en place. Parmi les mêmes qui gueulèrent à ce moment-là dans les rues ce crédo libertaire, se trouvaient des garçons et des filles qui, lorsqu’ils accédèrent plus tard au pouvoir, ne se privèrent pas de stigmatiser, combattre et parfois interdire, ce qui s’opposait à leur conception de l’idéal sociétal. Mais ceci est presque devenu, déjà, une autre histoire.
L’individualisme compulsif et le droit de savoir
Ce qui doit retenir notre attention, c’est ce que révèle la formule des joyeux émeutiers de mai 68 : un individualisme compulsif. Car la plupart des interdits ont pour but la protection de l’intérêt général, c’est à dire de l’ordre social. Du code de la route au code pénal en passant par l’interdiction de fumer dans des lieux publics ou de vendre de l’alcool aux mineurs, les interdits posent les limites de la liberté de chacun lorsque son usage peut nuire aux autres et précariser la paix sociale. A cet égard la revendication d’une liberté absolue, même sous forme d’une boutade, est à rapprocher de l’hostilité à l’égard d’un autre « garde-fou » sociétal : le secret. Or, même si cela n’a pas (encore) donné lieu à des slogans, est apparue chez nos contemporains une allergie au secret. Au nom du « droit de savoir » dont trop de médias devenus de plus en plus « people » se réclament de leur côté au mépris, parfois, de la déontologie journalistique, c’est « Monsieur Tout-le-Monde » qui prétend à une interprétation de ce droit dont il fixerait lui-même le champ d’application. Cela va même jusqu’à le faire hurler à la « conspiration du silence » lorsque les pouvoirs publics, peut-être tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’informations fiables à fournir, n’apportent pas les réponses à des questions qu’il fonde sur des présupposés. Le cas des OVNI est typique : quoique les commissions ad hoc et les services compétents ne soient pas en mesure d’expliquer ces phénomènes inexpliqués, on les accuse de rétention d’information ! Ne parlons même plus de la violation de la vie privée et de celle du secret de l’instruction, devenues courantes en raison surtout de l’enjeux de la course à l’audimat exigeant réactivité fulgurante et sensationnalisme. Ainsi a-t-on pu voir des médias qui, par peur de rater la primeur de la diffusion d’une nouvelle, ont annoncé la mort de personnes encore vivantes ou l’arrestation d’un illustre inconnu pris à tort pour un célèbre criminel en fugue.
L’égalitarisme niveleur
A la revendication de la liberté individuelle absolue et à celle du droit de tout savoir, ajoutons pour compléter cet échantillonnage de ce que déverse la boite de Pandore, La tentation du terrorisme intellectuel d’un égalitarisme niveleur des valeurs individuelles. Nous n’affirmerons évidemment pas la légitimité de tous les systèmes inégalitaires, en particulier ceux qui se fondent sur l’appartenance à des caste et la transmission des droits par la naissance. En revanche, il nous semble que tout ordre social nécessite une architecture et que celle-ci se manifeste dans une hiérarchisation des rôles et des fonctions des individus dans la vie collective, ce qui implique des critères d’exercice desdits rôles et d’accès auxdites fonctions. Il semble aller de soi que les justes critères sont ceux de l’aptitude et du mérite. Cependant, pour qu’ils soient vraiment justes, il faut que s’impose aussi l’égalité des chances données aux individus, ce qui est loin d’être assuré dans des pseudo-démocraties demeurées profondément inégalitaires dès la naissance. Dans la plupart des pays européens, le correctif à cette inégalité a été constitué par la qualité et la rigueur du système éducatif, ce qu’en France on a appelé « l’école de la République ». Les enfants et les adolescent y faisaient l’apprentissage de l’aptitude et du mérite sur la base du contrôle des devoirs et des examens sanctionnés par le baromètre des évaluations/notations et des classements. Ce système « tirait » les individus par le haut, donnait du prix au travail et encourageait l’effort. On y a substitué des pédagogies soft, censées éviter tout ce qui pouvait perturber l’égo présumé fragile de la jeunesse et favoriser au contraire son épanouissement dans la libre expression de la personnalité. Plus de notation chiffrée et de classement, plus de redoublement, plus d’observations « traumatisantes » etc. L’inadaptation de ce système est d’autant plus flagrante que le capitalisme libéral immerge ensuite l’individu adulte dans l’univers impitoyable d’une compétition sauvage dans la course au profit où tous les coups sont permis au nom d’une performance des résultats. Les salariés qu’on a ménagés dans leur jeunesse deviennent des destriers corvéables sous la cravache de dirigeants-cavaliers qui, eux, ont souvent bénéficié de l’exigence parentale et de la rigueur d’une scolarité privée. Car l’égalitarisme niveleur c’est pour le peuple dont on attend de moins en moins de qualité dans un monde appelé encore « du travail » où la machine intelligente a pris le relai, vouant le salariat aux petits boulots utiles.
Internet. Côté lumière : un formidable outil de recherche et de communication ; côté ténèbres : la précarisation de l’emploi, la déshumanisation des services, le déferlement de l’ignorance, du mensonge et de l’inanité satisfaite
Un bel exemple de la vague prométhéenne qui a submergé le monde après le « détonateur » de la Renaissance, nous est offert par la révolution numérique. Cela commence dans les abysses de la pensée scientifique par les travaux d’un presque parfait contemporain de Louis XIV (1638-1715), le savant mathématicien Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), inventeur du système de numérotation binaire. Puis le mouvement se poursuit en remontant peu à peu à la surface. Au tout début du 19ème siècle c’est l’invention du métier à tisser Jacquard qui utilise un procédé qui sera celui des « cartes perforées » au 20ème siècle. C’est ensuite, en 1842, la conception de la première programmation informatique par Augusta Ada King, comtesse Lovelace, dont Bull baptisera de son nom le langage informatique qu’il crée en 1980 : Ada. Enfin, la décennie 1990 voit l’apparition d’Internet, tandis qu’au début du 21ème siècle naissent les premiers réseaux sociaux. Ce n’est plus une vague, c’est un tsunami.
Bien entendu, les habituels thuriféraires du dieu Progrès, dépourvus de tout esprit critique comme tout croyant, ont chanté les louanges du magnifique outil, se refusant à voir que la valeur de tout outil tient à l’usage qu’on en fait. On avait pourtant déjà l’expérience de l’ informatisation dans le secondaire et le tertiaire, où la facilitation du travail escomptée a surtout consisté en une machinisation des taches et l’augmentation de leur volume engendré par « l’appel d’air » du gain de temps dû à l’accélération de leur traitement. Dans l’industrie, l’automatisation ou robotisation se sont évidemment traduites pat des suppressions d’emplois, déjouant les prévisions des optimistes béats du début de la décennie 1960 qui annonçaient « la société des loisirs » parce qu’il faudrait occuper des salariés dont on solliciterait moins de temps de travail, comme si les employeurs allaient payer de la main d’œuvre à moins faire ! Dans la logique du capitalisme libéral on a évidemment diminué la masse salariale, donc les coûts d’exploitation, et investi dans l’informatique et l’automatisation ; le tout sans diminution sensible du temps de travail.
Le développement du numérique a déshumanisé les services en supprimant le plus possible la relation directe avec les usagers invités à utiliser Internet pour effectuer les opérations et démarches auprès desdits services. Ainsi des banques ont-elles donné des directives à leurs employés pour inciter la clientèle à ne plus se présenter aux guichets, avant de réduire les plages horaires de leur ouverture puis de les supprimer. A la SNCF les réservations se font par Internet et l’achat de billets auprès d’automates installés dans les halls. La poste a fermé des centaines de bureaux dans les quartiers et dans les villages. Les standards téléphoniques des entreprises et des services publics ont évidemment été automatisés et l’on y est accueilli par des musiques insipides et des répondeurs vocaux psychorigides ! etc. etc. etc.
Mais le pire est sans doute à venir avec le développement des réseaux sociaux dont les pouvoirs publics commencent à mesurer l’énorme capacité de nuisance, mais sans réels moyens de les contrôler. On n’en finirait pas d’analyser tous les effets pervers de cette « machine à hyper communiquer », depuis la propagation de fake news jusqu’à celle des théories complotistes les plus folles mais rencontrant un taux d’adhésion non négligeable (le faux alunissage de 1969, la Terre plate, par exemple), en passant par ce qu’on pourrait appeler la fake think ou déformation de la pensée d’autrui par des moyens captieux et altération spécieuse du mode de pensée personnel. Le cocktail réseaux sociaux + IA permettra à ce qu’une émission documentaire appelle « la fabrique du mensonge » (Canal 5 de la TNT) d’optimiser sa production et sa capacité de manipulation de la psychologie des masses.
Quelques réflexions sans avenir immédiat, mais intéressantes…
Au terme de ce bref aperçu sur la dynamique prométhéenne et l’accélération du flot sortant de la boite de Pandore qui annoncent une fin de temps, nous proposons quelques réflexions qui n’ont aucun avenir immédiat car les fins de temps ne sont jamais constructives. Elles pourraient, en revanche, contribuer à éclairer celles des générations qui dans un avenir encore indéfini, auront à construire, sur Terre ou ailleurs dans l’univers, une nouvelle civilisation humaine. Nous nous bornerons ici à en évoquer trois qui nous semblent fondamentales au sens propre du terme, c’est-à-dire conditionnant les bases de l’organisation sociale.
La propriété et les successions
Depuis les temps les plus reculés, la propriété individuelle et collective, en particulier la propriété foncière, est la base essentielle de l’organisation sociale. En Grèce comme à Rome, puis au Moyen-Age et dans les temps modernes et jusque dans l’époque contemporaine, capitaliste et libérale, si ses formes politiques ont évolué, le rôle de « classificateur hiérarchique » de la propriété est demeuré constant. (5)
L’effet inégalitaire de la propriété est considérablement renforcé par son droit héréditaire qu’on appelle la succession. Le fait qu’un enfant bénéficie ou pas de la garantie d’une qualité d’éducation offerte par l’aisance des parents, ainsi que de l’assurance d’accéder plus tard, sans effort particulier, à la propriété qu’ils lui lègueront, constitue une injustice sociale flagrante et un obstacle irréfragable à une prétendue égalité des chances au départ de la vie.
Le droit de vote et l’éligibilité
Le droit électoral pose deux types de problèmes.
Le premier concerne l’âge des électeurs et celui des éligibles. S’il y a un âge minimum qui est celui de la majorité, il n’y a pas d’âge maximum. Pourquoi ? Selon nous deux raisons pourraient justifier un âge maximum du droit de vote : d’une part, la perte progressive du discernement et la vulnérabilité psychologique face à l’influence d’adultes proches (on connait le goût des politiques pour les visites aux établissements d’hébergement de personnes âgées ou à leur domicile) ; d’autre part le fait que les enjeux électoraux concernent souvent des orientations ou décisions qui impactent un avenir à moyen ou long terme que ne connaîtront pas les personnes âgées et sur lesquelles leur choix ne les engagent pas. Enfin, puisqu’il y a déjà une limite légale à l’exercice professionnel (la retraite) et puisqu’on envisage assez sérieusement de pouvoir fixer une limite de validité au permis de conduire routier et que c’est déjà le cas pour le permis de piloter un avion, pourquoi ne pas se poser la question du droit de vote ?
Par ailleurs, alors que le permis de conduire est subordonné à la connaissance du code de la route, pourquoi le droit de vote ne serait-il pas soumis par examen à la connaissance d’un « code de citoyenneté » comportant les connaissances relatives à la Constitution, au fonctionnement des institutions publiques et aux obligations citoyennes ?
Le second problème est celui de l’éligibilité. Les mêmes raisons que pour le droit de vote peuvent être invoquées. Le spectacle affligeant qu’offrent les USA où vont s’affronter pour la présidence deux candidats âgés dont l’un n’est manifestement plus en mesure d’exercer la fonction, plaide pour que s’engage une réflexion sur la question.
L’éducation
En France, depuis l’œuvre constructive de Jules Ferry il y a aujourd’hui un siècle et demi, l’organisation et le fonctionnement de l’enseignement et la vocation éducative des établissements qui en ont la charge, n’ont jamais fait l’objet d’une réflexion en profondeur, sans doute parce que la qualité de cette matrice a longtemps fait ses preuves. Cependant, elle est aujourd’hui en crise, et gravement puisque la baisse inquiétante du niveau moyen des connaissances des jeunes Français affaiblit la capacité du pays à affronter les futures compétitions de tous ordres qui conditionnent son rang parmi les puissances qui « comptent ». En outre, cette situation aggrave l’inégalité sociale.
Loin d’être le lieu de l’apprentissage citoyen, l’école est devenue le terrain d’expérimentation de ce qui sera demain une violence urbaine endémique et du développement d’un individualisme primaire.
Nous ne prétendons pas, ici, apporter des réponses, mais poser quelques questions comme autant de pistes de réflexion.
D’abord sur l’environnement de l’enseignement et de l’éducation, en particulier les lieux (écoles, collèges, lycées) : sont-ils accueillants ? sont-ils déstressants ? sont-ils conviviaux ? Qu’en est-il de l’architecture ? du mobilier et de son agencement ? de la place des espaces verts ?
Ensuite qu’en est-il de l’organisation de la scolarité ? Conçue à une époque où les déplacements s’effectuaient dans la proximité, elle privilégiait l’externat. Aujourd’hui le temps de déplacement, parce qu’il en fait partie, accroit l’amplitude du temps scolaire. A partir de l’âge de sept ans, par exemple, l’internat ne devrait-il pas devenir la règle, car son impact éducatif, favoriserait peut-être l’apprentissage de la vie collective, donc de la sociabilité, et dès la préadolescence, d’une certaine autogestion. Bien entendu cela exigerait une grande qualité de l’hébergement et de son encadrement, fort éloigné du modèle carcéral qui a caractérisé trop d’internats. La vie en internat permettrait de développer, hors des heures scolaires proprement dites, les activités sportives, ludiques et artistiques, ce qui supposerait, évidemment, des espaces et des équipements adaptés.
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On peut toujours rêver, n’est-ce-pas ? Mais rêver à des réalités possibles, c’est-à-dire être visionnaire. C’est la capacité qui manque le plus actuellement aux politiques, trop soucieux de la gestion de leurs intérêts à court terme pour être capables d’avoir des visions d’avenir. Leur réflexe c’est « le retour à » ; ainsi, alors que l’école nécessite une réelle et radicale refondation, tout ce qu’ils ont trouvé c’est le retour au port du tablier ! (6) C’est pourquoi les pseudo-démocraties occidentales, engluées dans leur matérialisme prométhéen, sont vouées à un déclin certain. C’est pourquoi aussi ces lignes ne s’adressent pas aux sous-cérébrés pour qui une calamité c’est un jour de pluie sur leur camping ou la perte d’un match par leur équipe de foot préférée. Oui, chers lecteurs du 22ème ou du 23ème siècle ou du quatrième millénaire qui retrouverez par hasard ces articles, vous penserez peut-être comme nous que si Dieu existe on peut comprendre qu’il décida le Déluge, comme on peut comprendre que plus tard Moïse face à trop d’imbécilité humaine brisa les tables de la loi.
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- L’Allien Théorie est notamment popularisée par une série télévisée américaine diffusée en version française sur le canal 23 de la TNT. Ses thèmes de prédilection sont les artéfacts ou constructions dont les technologies employées et la destination demeurent inexpliquées (Pistes de la Nazca, Moai de l’Ile de Pâques, assemblages mégalithiques, représentations graphiques sur roches, vestiges de cités cyclopéennes etc.)
- On pense naturellement à l’Ordre du Temple qui continue d’alimenter bien des fantasmes. Le Rite Ecossais Ancien et Accepté, placé sous la juridiction du Suprême Conseil de France l’évoque sans le nommer dans les premier degrés capitulaires (Chevalier d’Orient et d’Occident) et très explicitement dans le 30ème degré (Chevalier Kadosh) ; Toutefois, les degrés dits de « Hauts Grades » de ce rite sont une construction du 18ème siècle ne reposant sur aucune transmission initiatique avérée.
- La plus connue étant la Franc-Maçonnerie, mention étant toutefois faite que c’est l’Ancienne Maçonnerie, véritablement de métier, celle des maçons tailleurs de pierre, qu’on dit pour cela « opérative » et qui a disparu à la fin du Moyen-Age, qui peut être considérée comme s’inscrivant dans la tradition initiatique. Sa survivance se trouve en partie dans le Compagnonnage. Au 18ème siècle est apparue une Franc-Maçonnerie moderne, appelée spéculative qui s’en inspire dans son appareil rituel mais qui s’apparente davantage à un club philosophique et moral.
- On attribue souvent à Albert Einstein la paternité de la bombe nucléaire. En réalité cette abomination (le projet Manhattan) fut le résultat d’un travail d’équipe dont Oppenheimer fut le coordinateur. Parmi les savants en cause on retiendra Einstein, Oppenheimer, Fermi, Feynman, Urey.
- En Grèce comme à Rome, la propriété, en particulier celle des grandes exploitations (les latifundia) a été à la fois un pilier de l’édifice social et la cause endémique de crises. Les réformes sur lesquelles ont débouché ces crises ont surtout constitué des limites aux abus des grands propriétaires, mais face à la résistance des forces conservatrices, ne se sont pas attaqué à la question de fond que pose en soi la propriété. En Grèce, la démocratie qu’on présente souvent comme le modèle précurseur de nos régimes pseudo-démocratiques actuels, était basé sur un suffrage censitaire définissant le poids des classes électorales en fonction de la plus ou moins importante possession de biens de consommation jugés de première nécessité (blé, vin, huile). On notera que la suppression de l’esclavage pour dettes a évité l’accroissement constant des grandes propriétés du fait du rachat par leurs propriétaires des terres vendues par les petits paysans pour rembourser leurs dettes et échapper à l’esclavage. A Rome, les réformes les plus audacieuses, notamment celle des frères Gracque (qu’on considère parfois comme inspirés par une forme de communisme) ont toujours échouées, contrées par le Sénat conservateur. Au Moyen-Age est apparu le système féodal qui devait durer jusqu’à la Révolution. Pour la suite, on sait que notre Code Civil, héritier du Code Napoléon, consacre les plus grands soins législatifs à la propriété, créant de fait une « féodalité bourgeoise », le propriétaire industriel ou commerçant (successeur du seigneur) octroyant des emplois aux salariés (successeur du manant et du serfs).
- Le port du tablier, en usage dans l’enseignement primaire, était justifié par la protection des vêtements à une époque (jusque dans la décennie 1950) où les écoliers écrivaient avec une plume trempée dans un encrier, les plus jeunes étant censés encore susceptibles de maladresse. Les tabliers n’ont jamais eu un rôle d’uniforme et ils étaient de modèles et de couleurs différents. Ils n’ont jamais été en usage dans les collèges et les lycées où l’usage du stylo-plume rechargeable était courant parmi les « grands » à qui on en offrait souvent un premier pour leur Première Communion.