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Solide solitude

22 mars 2024 par
Simon Couval

Homme, élément se réalisant au travers des différents égrégores qu’il parvient à susciter au fil de ses rencontres. Être superficiel renfermant la capacité d’affronter, de vivre, de jouer la vie en toute individualité commune. Quand « Je est un Autre », quel « Autre » m’aide à me faire devenir « Je » ? Quel Je peut-on quand l’Autre n’existe pas, ou n’est pas encore ?

Si au cours de notre évolution éphémère notre habitus se modifie selon la composition de notre environnement social et sociétal, puis-je retrouver un « Je » au travers duquel me questionner pour me retrouver ? Qui serais-je si j‘étais mis au banc de mon travail ? De mon cercle d’amis ? De ma famille ? Voire de la société toute entière ?


Une seule voie, celle d’un détachement solitaire de la ville et même de la campagne.


Car nous pouvons penser que le seul lieu de recueillement est la campagne, la nature. Nombre de personnes semblent vouloir revenir à leurs fondamentaux à la suite de la multitude de confinements covidiens imposés. Quête d’un sens existentiel. Quelle existence… Surtout quand ceux-ci viennent des grandes métropoles et pensent trouver ce qu’ils lisent sur les faux magazines au sujet de Jean, exploitant agricole. De Bernadette, vieille mégère. Ou des grands horizons perdus retrouvés dans les Pyrénées. Mais la campagne, elle, n’est plus la même. Elle a été à jamais changé par les personnes travaillant en métropole (voir contrat social). Si nous n’avons pas de yeux pour voir ou de mains pour sentir, la plénitude à la suite d’une promenade ne peut-être que très minime. Ce qui est très opposé à celle de celui qui aura vu qu’il ne fallait pas voir pour sentir.

Inversement, beaucoup pense échapper à la dureté de la campagne en se réfugiant en ville. Remplissant leur vie d’une misère angoissante, névrosée et médiocre. Quel avenir à l’être qui ne se sent pas à sa place, géographique et historique ? Fardeau des temps modernes, fulgurance des pas et surtout acharnement numérique qui a transformé l’avoir, déjà très omniprésent, en une illusion matérielle inépuisable. Ayant bouché les canaux de la pensée de l’Être.


Cependant, la campagne facilite ce travail sur soi. Cette métamorphose de la solitude au silence enneigé qui complète notre devenir en une œuvre incarnée. Une fois retiré, nous pouvons faire le point avec nous-même. En s’écartant de la culture, nous retrouvons nos peurs premières et nos faiblesses. Nous nous rapprochons de la nature à la manière d’un Rousseau, et épousons les dimensions qui nous concernent.

La solitude. Ce mot réanime probablement nos souvenirs les plus sombres ou nos pensées les plus basses. Toutefois, elle reste un feu brûlant, un être éternel qui peut accepter de nous réchauffer et de nous accompagner en gage de notre fidélité. Décapant et revigorant, ce feu, tel l’eau d’un nouveau baptême, doit être bénéfique, apporter la pensée créatrice et non nous complaire dans nos lassitudes temporelles emmenant tôt ou tard à une quelconque destruction de soi, voir de notre entourage. Rousseau oui, mais pas Kant. Se réfugier dans une tour où seul son propriétaire y a accès, oui mais à quel point ? Devenir égoïste à ne plus servir ?

S’en habituer, s’en se faire brûler ou s’étouffer. Accepter la sueur qu’elle nous fait sortir de notre effort salutaire. Voici une manière de contrer l’avoir devenu invisible. Un moyen d’ôter et de nous débarrasser de tout ce qui gangrène le processus esthétique de la réalisation historique de l’Être.

Contemplant cette force intérieur, comme un berger heureux, nous devenons serein prêt à répondre au jeu de la Vie.

La solitude effraye une jeune âme. La solitude pourtant elle, est jeune. Jamais elle ne pourra vieillir. Elle se fait entretenir pour ses bienfaits. Apprendre à assumer de temps à autre cette solitude pour ralentir notre système cardiaque, notre système économique et social.

Deux camps s’affrontent. D’un côté, les humains ayant fait un travail quasi magique sur eux-mêmes pour les élever au rang de leur propre personnalité suprême. De l’autre, les robots à jamais diminués (logique du Progrès), qui auront délaissé leur savoir naturel pour l’illusion d’un avenir meilleur pour l’Humanité sous prétexte d’une vie éternelle. Le courage du solitaire ascétique est de penser pour s’extraire.

L’esprit habitué à la solitude, n’étant plus attiré par les parades divertissantes de la culture de l’Avoir, sélectionne. Elle se contente du peu et attache une grande importance à appartenir à aucun dogmes et à aimer, non personne comme un misanthrope, mais certains autres, certaines tribus.


Tout philosophe ou même tout artiste ou artisan, peut enfin pratiquer un modèle d’existence que la plupart des Hommes refusent à exercer.

Nous devenons auto-suffisant et gardien du bon sens. Lorsque la société dépasse ses limites. Les solitaires informent de sa cruauté et de la barbarie qu’elle est entrain de commettre. Cet état de nature, nommé conscience, permet de devenir acteur dans notre culture.


Junius

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