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France : la fin d’une histoire ?

Ou la menace des fromages
22 mars 2024 par
Simon Couval

 

Naguère, il existait encore des manuels scolaires ayant pour titre Histoire de France dans lesquels les écoliers français apprenaient l’histoire de leur pays. Curieusement, cette histoire y commençait par la référence à la Gaule, un pays qui n’existait plus et qui n’avait pas vraiment existé sinon à travers une brève coalition anti romaine qui se termina par la défaite d’Alésia. Car Il y avait au moins cinq gaules (1), et dans chacune d’elles des dizaines de peuples. Or, la France, en tant qu’Etat et Nation, est apparue six siècles après Alésia, vers 500, après les conquêtes de Clovis, quatrième roi des Mérovingiens, un peuple Franc-Salien d’origine germanique établi en Gaule Belgique qui avait fini par acquérir son autonomie à la faveur du déclin de l’empire romain dans lequel ses membres s’étaient intégrés comme mercenaires ou colons. En quelques années, partant d’une première extension du territoire franc originel (2), Clovis y agrège le territoire des Wisigoths (un grand tiers sud-ouest) et celui des Burgondes (un grand tiers est-sud-est), ce qui correspond, grosso modo, à un peu plus que la France actuelle. Converti diplomatiquement au christianisme, Clovis met son bras armé au service de la papauté en combattant les hérésies qui menacent l’Eglise et cimente la mosaïque de son jeune et vaste royaume en imposant sa religion à ses sujets. Le fameux baptême qu’on auréolera d’une belle et édifiante légende fut en fait un pacte gagnant-gagnant entre Clovis et Rome, renouvelant celui de l’empereur Constantin, deux siècles plus tôt.

Ainsi est née la France, un pays aux racines diversifiées et aux particularismes locaux affirmés, mais sur lequel ses rois puis la République n’ont eu de cesse d’imposer une cohésion territoriale et culturelle. Le pouvoir politique, royal, impérial ou républicain, a toujours été conscient des risques latents résultant de la mosaïque française. On connait la boutade de De Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages ?» Tel est l’héritage gaulois !

Si l’on date de 500 (agrégation des territoires wisigoth et burgonde) le début de la France, ou bien du début du règne de Clovis en 481, le pays a donc 1524 ou 1543 ans d’existence. Un bel âge ; mais toutes les histoires n’ont-elles pas une fin ? Des signes avant-coureurs se multiplient : déjà des pertes conséquentes de souveraineté dues à la calamiteuse construction européenne ont affaibli la France. La disparition de son emblématique monnaie nationale, le franc, en a été un symbole fort. Le recul de son influence diplomatique et de son rayonnement culturel, malgré les rodomontades de micro-Maron, est incontestable. Les rachats d’entreprises ou les participations financières significatives d’autres Etats (Chine, Emirats, Arabie Saoudite notamment) se sont multipliés, et cette « immigration » des capitaux est plus inquiétante que l’épouvantail de l’immigration démographique agité à tort et à travers. Cependant, la plus grande menace pour l’existence de la nation française, vient de la boite de Pandore que vient d’ouvrir l’Etat en projetant d’accorder l’autonomie à la Corse.

En effet, la cohésion nationale ne tient qu’à l’unité de la République – « une et indivisible » - qui s’est imposée en prenant le relai d’un absolutisme royal qui avait le même but. Accorder l’autonomie à un territoire au motif d’une spécificité que peuvent revendiquer au moins une dizaine d’autres territoires avec tout autant, sinon plus parfois, de légitimité, c’est revenir aux Gaules ! L’Alsace, la Provence, le Pays Basque, la Bretagne, le Comté de Nice, la Savoie pourront se mettre sur les rangs pour s’engouffrer dans la brèche ouverte pour la Corse.

Mais pourquoi la Corse ? Parce que l’Etat français est lâche. Il n’a pas su imposer l’ordre républicain dans l’ile en proie aux violences des extrémistes. On a vu avec la Catalogne en Espagne, où peut conduire une politique d’autonomie de territoires.

Clovis, Louis XI, François Ier, Louis XIV, Napoléon, Jules Ferry, Clémenceau, De Gaulle peuvent se retourner dans leurs tombes ! Le plus calamiteux pantin politique de son histoire est peut-être en train d’écrire le début du dernier chapitre de l’histoire de France. A moins que ce ne soit la faute aux fromages ?



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(1) La Gaule Armorique, la Gaule Belgique, la Gaule Cisalpine, la Gaule Aquitaine, la Gaule Celtique.

(2) Un bon tiers de l’hexagone actuel, de la Belgique à Orléans et de Boulogne au Jura.