Théorème : « Tout esprit plongé dans l’idéalisme en ressort irrémédiablement idiot et dangereusement prosélyte ».
Deuxième fin de semaine de décembre 2024 : des rebelles islamistes s’emparent du pouvoir en Syrie. L’odieux dictateur Bachar El Assad, en fuite, se réfugie à Moscou. L’homme fort de cette révolution est présenté sous son nom de guerre du Djihad islamiste : Abou Mohammed al-Joulani, né Ahmed al-Charaa.
Délire sur les plateaux des thuriféraires des pseudo-démocraties occidentales. Dans leurs propos, bien qu’ils n’osent pas employer le terme après les flops égyptien, libyen et tunisien du « printemps arabe », c’est le printemps syrien. Ils s’empressent d’ailleurs de démontrer que ce qui se passe en Syrie n’a « rien à voir » avec ce qui s’est passé en Egypte, Libye et Tunisie et encore moins avec l’Afghanistan. Cette fois c’est sûr, la démocratie a toutes ses chances de s’instaurer en Syrie. D’ailleurs, il n’y a eu aucune violence envers les civils, al-Joulani va constituer une coalition, il l’a promis. Et puis il s’est détaché de la branche dure d’Al-Qaïda (ah bon, il y avait donc des branches molles ?) etc. etc. etc.
Dopés aux amphétamines de l’universalisme démocratique rejeté par la majorité de la planète (en poids démographique), les idiots incurables dans leur naïveté ou leur mauvaise foi (un peu les deux, sans doute) donnent une fois de plus le spectacle d’une Europe des illusions, étant d’ailleurs elle-même le fruit blet d’une illusion. Le soupçon n’effleure pas leur pensée (ou bien ils le refoulent) que tout ceci n’est peut-être qu’une sinistre mascarade, une tactique rusée du Djihadisme, et qu’après la joyeuse fête de la libération viendra le temps de la Charia ou celui de la balkanisation du pays (car il n’y a pas d’homogénéité idéologique sur le territoire) ou de sa mise sous tutelle turque par la force, ou encore de l’amorce d’un conflit avec Israël toujours soucieux de sécuriser son sol. Et qu’adviendra-t-il de l’Iraq bordélisé et de l’Iran affaibli ? Bref : le risque d’un embrasement de plus au Moyen-Orient, car la position géopolitique de la Syrie la place au cœur d’un agglomérat d’Etats sous tensions (Israël, Turquie, Iraq, Liban, Jordanie, Iran).
La Syrie est un pays en ruine, ravagé par les Djihadistes et par son dictateur. Le retour massif d’exilés qui est annoncé aggravera les pénuries de tous ordres, et l’aide internationale de pays occidentaux eux-mêmes affaiblis à l’intérieur et engagés sur d’autres fronts ne pourra pas être à la hauteur des besoins.
Dans ce contexte et ces perspectives, alors qu’il faudrait faire preuve de lucidité et de pragmatisme, les « spécialistes » de notre intelligentzia, à l’exception de quelques-uns que personne ne veut entendre (comme le journaliste et historien Arthur Chevalier) s’immergent avec conviction dans le bain idéaliste dont ils ressortent évidemment idiots.
***