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Le prurit belliciste des impuissants

22 mars 2024 par
Simon Couval

Les récents propos de Macron évoquant l’envoi de troupes sur le sol ukrainien a fait l’effet que sans doute il recherchait. Ce pervers narcissique doublé d’un impuissant politique n’est pas un sot : il se doutait bien que « ça ne passerait pas » auprès de ses comparses européens, encore moins de ses « chers compatriotes » ; mais à un moment où son impopularité croissante entraine même dans son naufrage le jeune coq aux ergots dorés qu’il a nommé à la tête d’un gouvernement sans programme ferme où quelques poids lourds jouent un « chacun pour soi » qui est surtout un « sauve sui peut ! », et après avoir sauvé ses fesses mais perdu la face devant la fronde des agriculteurs, il lui fallait montrer qu’il était un chef, et du genre dur. Cela s’est traduit par deux déclarations empreintes d’une virilité aussi affirmée que la toison pectorale qu’il exhiba naguère : d’une part il défie Poutine en frappant à deux poings sur ladite toison, tel un singe en colère ; d’autre part il promet qu’il nagera dans la Seine, lui, le président, à l’occasion des J.O., puisqu’il faut bien que quelqu’un donne l’exemple du courage ! Quand ce brillant communicant qui enfume la France avec des mots depuis sept ans (Paroles, paroles, comme chantaient la regrettée Dalida et le bientôt regretté Alain Delon), s’est aperçu que les ménagères de 2024, plus futées que celles des années 1960, étaient prêtes à échanger deux barils de lessive Le Pen contre un baril de lessive Macron, même en promo (1), il a eu recours à la vieille tactique qui consiste à croire que lorsque les mots ne passent plus, il suffit de les crier. Que faire d’autre lorsqu’on ne sait que communiquer ?

Alors, bien sûr, on n’aime pas Poutine et on s’apitoie sur l’Ukraine, parce que de deux maux -la dictature russe et la corruption ukrainienne- il faut choisir le moindre, on veut bien subir les conséquences des sanctions qui frappent la Russie mais qui pour l’instant font bien plus de mal à l’UE (et à pas mal de pays de ce qu’on n’ose plus appeler Tiers-monde mais « Sud global » (ça fait plus chic, comme technicien de surface pour dire ramasse-merde), mais quand l’autre faux fou (c’est plus grave que foufou) joue au poker nucléaire, là on n’est plus d’accord. Il faut rester dans une belligérance de bon aloi. On va quand même pas compromettre la tenue des J.O. ou rendre la pelouse du stade de France impraticable pour le foot pour cause de cratère nucléaire (sans compter les dégâts dans les hyper-marchés et surtout à Rungis). Le foot et la bouffe d’abord, c’est ça le capitalisme libéral ! Du coup on espère même que Trump sera élu puisqu’il n’envisage pas d’engager l’OTAN dans les guerres picrocholines de cette damned UE !

Il n’empêche que si le petit Micro-Macron n’a pas fait d’émules parmi les membres de l’OTAN -et le grand allié Scholz, sorte de Papa Schultz pas rigolard ne le lui a pas envoyé dire- beaucoup de ces derniers et non des moindres, se mettent depuis quelques semaines à hurler au loup (bien que l’animal emblématique de la Russie soit un ours, mais on en est plus à chicaner là-dessus par ces temps de perturbations climatiques) et à déclarer haut et fort que la Russie est prête à envahir l’Europe occidentale. Admirez, citoyens, la cohérence de nos dirigeants ; jusqu’ici on annonçait : 1) que Poutine était en phase terminale d’un cancer 2) que l’armée russe, à bout de souffle et subissant des désertions massives ainsi que des destructions considérables d’armement n’irait jamais plus loin que le Donbass 3) que le peuple russe allait se révolter etc. Et maintenant il faut entrer dans une économie de guerre et réarmer massivement car l’armée russe menace les Pays baltes, la Pologne, la Finlande, la Suède, l’Allemagne, la France et jusqu’à la Grande Bretagne ! Qui peut croire sérieusement que la Russie prendrait le risque suicidaire de s’attaquer à l’OTAN alors qu’elle ne peut même pas envahir la totalité de l’Ukraine. Quant à la menace nucléaire, même avec sa supériorité numérique en ogives, la Russie ne sortirait pas indemne des représailles françaises et britanniques.

Dans le fond, les dirigeants européens, dans leur genre, ne valent pas mieux que Macron qui a simplement poussé le bouchon un peu plus loin, parce que c’est dans sa nature de communicant de « faire des coups fumants » et parce qu’il a cru que c’était dans son intérêt conjoncturel de s’agiter sur la scène internationale. Mais les uns et les autres, savent très bien, en leur âme et conscience (ont-ils l’une ou l’autre, d’ailleurs ?) que leurs pays privilégiés parmi les privilégiés d’un monde en souffrance, gavés jusqu’à ras-la-gueule par soixante ans de consumérisme effréné, ne sont certainement pas prêts à « mourir pour Kiev ». Macron, Scholz et consorts ne sont que des impuissants atteints par un prurit belliciste qui comme toute pathologie psychosomatique révèle l’insatisfaction de pulsions inconscientes : ce sont là celles de la vieille Europe Guerrière, cette goule qui par deux fois au 20ème siècle de sinistre mémoire, s’est repue du sang de ses enfants envoyés au casse-pipe. Apparemment, les leçons n’ont pas suffi, à moins que plus perversement il s’agisse d’utiliser la guerre extérieure comme moyen de reconquête intérieure, au moment où ça craque de toutes parts de l’Atlantique à l’Oural et ou les attelages fous des « chars des Etats » devenus incontrôlable se précipitent vers un immense chaos. Ne gaspillez pas vos munitions, Monsieur Poutine, nous nous chargeons de la besogne car depuis des siècles nous avons montré que nous somme les champions de la balle dans le pied !

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  1. Référence à un spot publicitaire des années 1960 où on voyait dans un supermarché un monsieur très sérieux à la fonction indéterminée proposant à une cliente qui venait de placer dans son chariot un baril de lessive de marque Ariel, de le lui échanger contre deux barils d’une lessive quelconque ; la dame se récriait en disant : « une propreté comme celle d’Ariel ça ne s’échange pas » ! Il aurait été intéressant de faire l’essai en « live » car il y a fort à parier que beaucoup de ménagères, moins sottes que le pensent les publicitaires, auraient accepté les deux barils.