Au troisième scoop, il sera exactement…l’heure des désillusions !
Premier scoop, 1919 : « Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles » (Paul Valéry)
Deuxième scoop, 1982 : « Le Père Noël est une ordure » (le réalisateur Jean-Marie Poiré et la troupe du Splendid)
Troisième scoop, 2024 : « L’abbé Pierre est une ordure » (l’opinion publique)
Eh oui ! la personnalité longtemps préférée des français, l’idole des bonnes âmes compassionnelles, le chrétien exemplaire dont on allait probablement engager le procès en béatification puis en sanctification, vient de tomber de son piédestal, au sens figuré comme au sens propre, car on déboulonne partout ses statues, comme on débaptise les rues, édifices et institutions portant son nom. Parce que l’abbé Pierre, ci-devant Henri Grouès pour l’état-civil, né à Lyon en 1912, mort à Paris en 2007, était un prédateur sexuel de la pire espèce ! L’avocat du diable n’aura pas à réclamer son âme pour son commanditaire symbolique car nombre de ses victimes viennent de se charger de ce navrant boulot, relayées par le scandale public et le sinistre roulement des tambours médiatiques qui accompagnent la charrette conduisant le proscrit à l’échafaud où s’abattra sur sa tête privée d’auréole, la lame de l’opprobre.
Si les gens n’étaient pas si crédules et incurablement sensibles au romanesque qui les prive trop souvent de jugeote, ils auraient dû trouver suspect les parfums de sainteté, en fait synthétiques, qui émanent de ces héros peu discrets que l’humilité n’empêche pas de s’offrir à la médiatisation et d’accepter, le cas échéant, la nobélisation. Mais non, s’écriront-ils, c’est pour la bonne cause, pour attirer les dons vers leurs œuvres remarquable. Effectivement, on en revient toujours à l’argent, aux fondations qui le recueillent en en consacrant une partie non négligeable à leurs dépenses d’exploitation dont vivent aussi tous les « fonctionnaires de la charité » nécessaires à leur fonctionnement. Car s’il y a la base des bénévoles, il y a les salaires des permanents. Emmaüs nous révèlera-t-il les montants de ceux de ses dirigeants ?
Mais ne soyons pas mesquins. Le véritable scandale c’est l’omerta qui a protégé pendant plus de soixante ans Pierre Grouès, pseudo Abbé Pierre.
Protégé politiquement, car ce prêtre qui n’avait pas dédaigné tâter de l’engagement politique et qui fut député (Groupe MRP) avait été aussi Résistant, titulaire de la crois de guerre avec palmes. Pas question, à travers lui, de salir la Résistance ou le très chrétien parti MRP ! Mais quels étaient les convictions politiques de Grouès ? Pas spécialement socialisantes comme le révèle quasi psychanalytiquement une affiche de propagande d’Emmaüs de la décennie 1990 : « Il faut déclarer la guerre à la misère » s’y écriait le bon Abbe Pierre. Absurdité sémantique car peut-on faire la guerre à quelque chose qui n’est pas une force mais un vide, une carence ? N’était-ce pas plutôt au profit injustifié, à l’enrichissement insolent, à la rapacité capitaliste, à l’égoïsme des nantis qu’il fallait s’attaquer ? Mais s’était sans doute trop attendre du fils Grouès, enfant de la bonne bourgeoisie lyonnaise, celle des soyeux, qui entretient sa bonne conscience en visitant les pauvres, le dimanche après la messe. Bienheureux pauvres à qui le Royaume des Cieux est acquis et qui ont donc intérêt à le rester tout en permettant aux riches d’y obtenir une place en pratiquant l’aumône.
Protégé par l’Eglise, évidemment, comme elle a toujours protégé du scandale qui pouvait rejaillir sur elle, les nombreux délinquants et criminels sexuels agissant en son sein et le plus souvent sous le couvert de leur état. A fortiori dans le cas d’un personnage devenu célèbre et emblématique du meilleur des vertus chrétiennes !
Et protégé par la fondation Emmaüs dont la destinée se confondait avec celle de sa personne : dénoncer l’Abbé Pierre eût été « suicider » Emmaüs !
Or, le scandale de l’omerta se double du scandale de son déni : la conférence des évêques de France, le Vatican et Emmaüs font semblant de venir de découvrir la réalité de la vie de Grouès ! Comment serait-ce possible alors que des preuves écrites existaient, notamment une lettre, d’un archevêque de Paris du début des années 1950 présentant le pseudo-abbé Pierre comme un malade dangereux qu’il fallait faire soigner et encadrer. Il y eut aussi le compte-rendu effarant d’un correspondant américain relatant les péripéties sexuelles du voyage de l’Abbé aux USA qui fut d’ailleurs écourté. La hiérarchie catholique française était donc tout à fait informée du comportement du prêtre. La nonciature ne pouvait donc l’ignorer, et, partant, le Pape. Le ministère de l’intérieur ne pouvait l’ignorer. L’entourage rapproché de l’intéressé à Emmaüs ne pouvait l’ignorer, donc les plus hautes autorités de l’Etat aussi. Autrement dit, tout le monde savait ; et tout le monde aujourd’hui a le culot de crier « Haro sur l’Abbé Pierre ! », Emmaüs ayant même le front de parler d’enquête interne.
C’est une honte, une farce sinistre et odieuse, un signe de plus actant s’il le fallait encore, la dégénérescence putride de la société occidentale qui prétend encore donner des leçons au monde. Mais qu’attendre d’un pays comme la France, cancre de l’Europe, au bord du dépôt de bilan où il se trouve encore 22% de citoyens, ce qui est loin d’être négligeable, pour approuver la politique d’un président dont le comportement incohérent révèle qu’il est probablement atteint de graves troubles psychologiques ?
De quels barbares devons-nous attendre le salut qui ne passera que par la chute de la civilisation du mensonge ?
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