Se rendre au contenu

L’humanisme

Une négation de l’humain
22 mars 2024 par
Simon Couval

L’humanisme est certainement une des illustrations majeures du caractère néfaste des idéologies prétendant opposer leurs doxas à la réalité factuelle. Apparu avec la Renaissance en réaction à la mainmise totalitaire de l’Eglise sur les consciences et sur les règles de la vie civile, il renoue avec les philosophies de l’Antiquité qu’on redécouvre, et place l’homme au centre de sa vision du monde. Comme le dit Protagoras (présocratique, environ -490 -420) « l’homme est la mesure de toute chose ». L’humanisme de la Renaissance est convaincu de la primauté du savoir et de l’art comme facteurs de liberté et de bonheur dont l’homme peut jouir ici-bas, et non dans la seule perspective d’un au-delà post mortem promis par une religion dont tous les excès ont affaibli la crédibilité. Pourquoi pas ? Mais l’usage du terme a subi une dérive sémantique insidieuse, surtout à partir du 18ème siècle, qui l’a conduit à prendre le sens d’une certaine forme d’altruisme et de bienveillance (1) sur fond de pacification des mœurs. Jacques Ellul (2), plus sévère, évoque « une sensibilité pleurnicharde sur la grandeur de l’homme » ; il distingue « l’homme de l’humanisme et les hommes menant leur vie concrète ».

Les pseudo-démocraties occidentales, fortes de leur victoire de 1945 acquise grâce à une alliance contre-nature avec l’URSS stalinienne, ont voulu, via l’ONU et la puissance militaro-économique des USA, hégémonique et « protectrice », imposer au monde leur humanisme en décrétant les lois de la guerre et de la paix, et en faisant des droits de l’homme les tables de la loi universelles. Mais quelle hypocrisie ! Car si l’humanisme est bien pratique pour stigmatiser la barbarie des autres, nos prêcheurs de bons sentiments n’hésitent pas à recourir à la bonne vieille barbarie lorsque cela les arrange (n’est-ce pas Monsieur le président Truman qui avez atomisé Hiroshima et Nagasaki ? N’est-ce pas Monsieur le président Johnson qui avez napalmisé des villages vietnamiens ? N’est-ce pas Monsieur le président G.W. Bush qui avez apporté un chaos durable en Irak).

En ces premières décennies du 21ème siècle le discours humanisme ne prend plus, et les imposteurs qui le portent voient se dresser partout où il n’a jamais eu réellement de prise, des peuples qui affirment leur humanité réelle face à l’illusion humaniste, n’hésitant pas à dissocier complètement l’action politique et militaire, de la religion et de la morale (ce que préconisait l’humaniste « à l’ancienne » Machiavel). La Chine, la Russie, l’Inde, l’Argentine, une bonne partie de l’Afrique et du Moyen-Orient (Israël compris) s’affranchissent de la bienséance internationale au nom de leurs intérêts propres.

On a voulu oublier que l’homme est un animal, que c’est un grand prédateur que son instinct porte à la conquête, à l’emprise, à la domination. Et voilà que le fauve que quelques siècles de dressage humaniste n’ont pas réussi à dompter vraiment, refusera bientôt d’exécuter son numéro de cirque. Voilà que s’annonce un nouveau temps de guerres où l’humain reprendra ses droits, refusant la castration psychologique et intellectuelle du mirage humaniste.

***

  1. Esther Buitekant, journaliste, in Géo 23/11/2023
  2. (1912-1994). Historien du droit et sociologue ; anticonformiste, il se dit anarchiste.