Avertissement
Ceci est un conte. Donc, toute ressemblance entre les personnages et des personnes auxquelles ils pourraient faire penser, ne serait que la conséquence de la rencontre de mon imagination et de votre esprit peut-être exagérément critique.
Le titre est une parodie de celui qu’Henri de Montherlant a donné à une pièce de théâtre dont il fut l’auteur : « Malheur à la ville dont le prince est un enfant ». C’est une citation de la Bible (Ecclésiaste 10-16).
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Il était une fois un roi dont l’avènement avait été promoteur, car à la faveur de l’accumulation des amères et rageuses déceptions qu’avaient fait naître ses prédécesseurs toujours entourés des mêmes castes partisanes entrainant le royaume dans une incurie endémique, il offrait l’espérance et les gages d’un renouveau inespéré. Il était jeune, intelligent et cultivé, une réunion rare de ces qualités chez la plupart des rois et reines de ce monde.
Cependant, d’année en année, sa morgue incommensurable, son autoritarisme arrogant et ses maladresses fleurant l’amateurisme, en firent un monarque détesté dont la parole était discréditée. Après avoir usé deux premiers ministres et une première ministre, il eut beaucoup de mal à en trouver un ou une qui fût capable, à la fois de lui valoir un regain d’audience auprès du peuple, et de ne pas faire ombrage à sa personne (depuis les Mérovingiens et la prise du pouvoir par Charles Martel, les rois de ce pays se méfiaient des maires du palais, équivalents des actuels premiers ministres). Il jeta son dévolu sur un jeunot de ses féaux, fort en thème, bûcheur et beau gosse.
Un vieux vicomte vendéen qui avait encore l’écoute de la caste conservatrice, avait déjà salué sa nomination d’éphémère ministre de l’éducation nationale comme « la catastrophe de la saison ». Il n’avait peut-être pas tort, même si ses motivations n’étaient sans doute pas si honorables que celles de détracteurs plus avisés. Car très vite, à la faveur de premières turbulences (une jacquerie paysanne, de graves incidents dans les écoles, un débat de politique étrangère, notamment) les sujets les moins « gogos » comprirent quel chef de gouvernement le roi avait donné au pays : un petit morveux aussi arrogant que le roi , mais plus dans le genre «petite peste » (son concubin de deux années doit en savoir quelque chose déclara un Saint-Simon (1)de service), complètement ignorant des réalités du peuple, n’ayant jamais exercé d’autre activité que politique et croyant que la forme peut suppléer l’absence de fond, que la tchatche comble le vide des idées creuses et que les idées elles-mêmes peuvent faire fi des réalités ; toutes choses qu’on apprenait dans les néfastes séminaires où l’on (dé)forme les pseudo futurs cadres du Royaume.
Depuis sa nomination, sa côté de popularité que son paraitre et quelques rodomontades avait fait démarrer assez haut, n’avait cessé de décroitre au fil d’un pouvoir qu’il exerçait bien tenu en laisse par le roi qui l’entrainait ainsi dans sa fatale disgrâce. Pressenti comme dauphin possible, il a semblé de moins en moins probable que ce prince-marionnette ait une chance d’accéder au trône.
Ce conte n’a pas de fin, car à l’heure où nous le rédigeons le règne du monarque en exercice n’est pas achevé et son premier ministre est toujours en poste. Tout ce que l’on peut dire c’est qu’en considération de données d’ordre privé que chacun connait néanmoins, il est peu probable qu’il se marie avec une bergère et qu’ils aient beaucoup d’enfants. Pour le reste, nous ne nous hasarderons pas à spéculer, tant les sujets de ce royaume sont imprévisibles. Mais qu’à donc fait ce peuple pour mériter le malheur d’avoir un méchant roi et pour prince un petit morveux ?
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- Louis de Rouvroy, Duc de Saint Simon (1675-1755). Filleul de Luis XIV et de la reine Anne d’Autriche, il vécut à Versailles où il rédigea des « mémoires » riches en observations et critiques sur la Cour, n’épargnant personne dans ses restitutions féroces des péripéties et anecdotes émaillant la vie quotidienne à Versailles.