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Politigame

30 juin 2024 par
Simon Couval

Je vous invite à découvrir sur Internet les portraits officiels des présidents de la république, ceux qui doivent être exposés à la vue du public dans tous les lieux où siègent des services de l’Etat, des ministères aux commissariats en passant par les préfectures ou les prisons. Vous pourrez constater l’évolution instructive de la conception de ces portraits, au fil des septennats puis quinquennats.

Pour ne s’en tenir qu’à ceux de la Vème République, il y a d’abord eu ceux de De Gaulle et de Pompidou. Ils posent en habit de cérémonie, le visage grave, avec grand cordon de la Légion d’Honneur et collier de Grand-Maître d’icelle. Avec Giscard d’Estaing qui se veut novateur et moderniste, le président pose à l’extérieur sur fond d’un grand drapeau tricolore, en costume de ville, souriant, et on passe au format en largeur. Renoncement à la brutale et rigide verticalité de l’Etat ? Dans la forme surement, car on entre dans l’ère de la communication où l’illusionnisme des mots et des images se substitue à la pensée politique et même à la réalité de l’action !

C’est aussi la personnalisation de la fonction. Les portraits de De Gaulle et Pompidou peuvent paraitre pompeux, sacrifier à l’apparat : en réalité en se couvrants d’attributs du pouvoir, leurs personnes s’effacent derrière la fonction. Leurs successeurs ne font pas preuve de modestie en posant sans décorum, ils mettent en avant l’image de leur personne ! On est entré dans la « politique spectacle ».

Nouveau et bref tournant avec Hollande qui invente la formule de « président normal », comme s’il y avait un standard présidentiel ! Tellement normal, d’ailleurs, qu’il ne renvoie plus l’image d’un Chef s’Etat, mais celle de « premier fonctionnaire de l’Etat ». Sur son portrait officiel il apparait comme perdu sur une immense pelouse, loin des bâtiments officiels, esquissant un sourire forcé, comme s’excusant d’être là.

Macron, lui, choisit la symétrie « directive » des vantaux entrouverts d’une fenêtre, des drapeaux de la France et de l’Europe et de ses deux bras fermement appuyés sur un bureau devant lequel il se projette en premier plan, comme prêt à surgir de l’image. Ce jeune ambitieux shooté au pan-européisme et au capitalisme libéral, esquisse de temps à autre des postures gaulliennes ou qu’il croit telles, mais qui ne sont que les marques de l’orgueil, de la psychorigidité et de l’arrogance. Or, voilà que depuis le 9 juin 2024, ce président légal en perte vertigineuse de légitimité (il ne recueille plus la confiance des trois quarts des Français ; 74% selon un sondage fin juin) s’est mis à jouer avec les articles de la constitution comme avec des cartes (il avait déjà joué avec le 49-3). Après avoir joué sans succès le joker Attal (voir notre pamphlet Gabriel Attal, le joker), il joue maintenant au poker avec une dissolution qui n’aboutira qu’à l’aventure RNiste ou au chaos d’un pays ingouvernable. Le génial Macron a inventé un nouveau jeu : le Politigame. Fin de partie le 7 juillet au soir : la France sera bardelliste ou bordélique.

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