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Sept siècles de malheur

J’annonce le temps du chaos
22 mars 2024 par
Simon Couval

 

Dieu est mort, c’est certain, et c’est l’homme qui l’a tué. La faute à qui ? Mais d’abord à Dieu qui a fait savoir qu’il avait créé l’homme à son image, ce qui était prendre le risque de voir l’homme comprendre qu’il pourrait être Dieu ; en quelque sorte le clone de Dieu. Et comme, par définition, il ne peut pas y avoir plus d’un Dieu unique, il fallait bien tuer le vieux despote imprudent qui avait aussi pris un second risque en mettant en avant un fils plus sympathique dont l’incarnation en homme incitait encore davantage à la substitution.

Ainsi encouragé, l’homme tua Dieu pour accéder à la plénitude de sa propre divinité. Mais, ce faisant, l’homme prenait à son tour un grand risque qui n’a pas échappé à Nietzsche dont l’annonce de la mort de Dieu, contrairement à une interprétation erronée, n’était ni un cri de joie, ni un cri de victoire, mais le simple constat de la mort d’une idée par un homme qui savait les idées mortelles dans les deux sens du qualificatif : engendrant la mort et vouées à la mort.

Le grand risque pris par l’homme meurtrier de Dieu, c’est d’être à son tour tué. Mais par qui et comment, direz-vous ? Tout simplement par les hommes. Parce que l’homme, tout comme Dieu, n’est qu’une idée, une abstraction, un mythe, une allégorie ! Seuls ont une réalité les hommes qui, après avoir adoré l’idée de l’homme et lui avoir dédié un culte appelé humanisme, viennent de se rendre compte de l’imposture humaniste. Ils ont compris que la surcélébration idéologique de l’homme-dieu masquait la réalité d’une déshumanisation croissante de l’individu humain.

Le haut et le bas clergé du culte humaniste, intelligentzia autoproclamée des élites gouvernantes et pensantes, se sont persuadés à tort que la crédulité des hommes serait sans borne, et qu’après des millénaires de soumission à Dieu, il serait aisé de leur faire croire aussi durablement en l’homme. Le culte fit illusion quelques temps, surtout grâce au progrès scientifique et technique imputé, bien sûr, à « l’homme » : l’homme a vaincu la pesanteur, l’homme a inventé ceci ou cela, l’homme a marché sur la Lune etc. Puis le temps des désillusions est venu. Les millions de morts de deux guerres mondiales et de deux idéologies totalitaires, la révélation des massacres coloniaux, le néo-esclavagisme industriel puis le cyber-asservissement, les dégâts collatéraux de l’indécente course au profit, entre autres forfaits « humanistes », ont scellé la perte de crédibilité du crédo humaniste. L’homme a rejoint Dieu au grand cimetière des idées mortes.

Aux hommes livrés à eux-mêmes, il ne restait pour leur besoin d’adoration, que les ersatz de divinité -dieux du stade et idoles people du show-biz, des écrans et des monarchies abâtardies- la consolation consumériste et l’espérance des lotos. Ce fut un moment de somnolence, au moins dans l’hémisphère nord, sur fond de paix relative et de ronron médiatique. Mais voila qu’à la charnière du vingtième siècle et du suivant, des spasmes sismiques ont commencé de fissurer la croute superficielle de cette fausse quiétude. Un islam conquérant s’est réveillé comme un volcan qu’on croyait à tort éteint, affrontant l’Occident. L’araignée internautique a imposé son maillage et craché le venin des incontournables réseaux sociaux et de leur néo-obscurantisme. L’émergence de la Chine et de l’Inde apparaissant en grandes puissances, la Russie se lançant à la reconquête de son « empire éclaté », les convulsions de l’Afrique, du Moyen-Orient et des Etats latino-américains ont rompu les équilibres géopolitiques et réduit les marges diplomatiques. Les effets conjugués de nouvelles guerres et du dérèglement climatique déstabilisent gravement les équilibres économiques et sociaux. C’est un dérèglement global et planétaire.

Sur les ruines des mensonges, des imprévisions coupables et des erreurs irrattrapables, va déferler une violence primale. Les gouvernants des pseudo-démocraties, quoique faisant semblant de « gérer la situation », ne contrôlent plus rien. On s’aveugle en se focalisant sur les flux migratoires qu’aucune digue de pourra contenir, tandis que les facteurs majeurs d’insécurité sont endogènes. Quant aux gouvernants des régimes autoritaires, ils s’engagent, comme l’ont toujours fait les dictatures, dans une fuite en avant menaçante. De nouveaux types de dirigeants apparaissent, parfaits représentants décomplexés des peuples qui les portent au pouvoir sous l’impulsion d’un retour à l’instinct primaire qui surmonte la peur par la violence. Les pseudo-démocraties occidentales vont connaitre une « haïtisation » : sur des territoires entiers où se multiplieront pillages, règlements de compte, enlèvements, les vieilles gouvernances s’effaceront de fait devant des bandes armées conduites par des chefs de guerre souvent issus du narcotrafic, imposant par la terreur un ordre maffieux « protecteur ».

Chers compatriotes, je vous annonce le Grand Chaos à venir qui durera au moins sept siècles, le temps que le dérèglement global atteigne son apogée et que de nouveaux équilibres se mettent, peu à peu, en place. Je dis sept siècles parce que c’est un cardinal cher à nos vieilles traditions (ne dit-on pas sept ans de malheur ?), mais ce sera peut-être beaucoup plus ; car si une civilisation peut se détruire rapidement, en revanche on n’en construit pas une nouvelle en quelques années.

Jeunes garçons et filles qui marcherez sur les décombres du pays qui vous a vu naitre, ne maudissez pas vos parents, ni d’être responsables de la catastrophe, ni ne vous avoir mis au monde. Tout ceci les a dépassés en tant qu’individus. C’est justement parce que « l’homme » n’a jamais existé, pas plus qu’un Dieu tout-puissant et infiniment bon ou qu’une Nature maternellement bienveillante, que les êtres que nous sommes, peut-être tout simplement fruit du hasard originel et d’un enchainement complexe de causes et d’effets, sont voué à être portés par des forces qui échappent à notre raison et encore plus à notre action. Alors, le mieux à faire, c’est de répondre à cette aimable injonction : Carpe diem !