Nous Occidentaux vivons dans un monde très vieux dont le déclin s’accélère chaque jour, leurrés sur la réalité de ce destin par les représentations fallacieuses de sa réalité que véhiculent depuis des millénaires les philosophies et les morales égarant la pensée sur la voie erratique de l’idéalité.
Telle est la déclaration de principe par laquelle je souhaite commencer à rendre compte de ce que m’a inspiré la lecture de Nietzsche. Car le propos qui suit ne va pas prétendre « amener son grains de sel » dans la substantielle production d’ouvrages consacrés aux explications et commentaires critiques de l’œuvre de l’auteur de Zarathoustra. Il sera uniquement consacré à l’impact de celle-ci sur le développement de ma pensée personnelle sur laquelle elle a eu un effet éclairant et libérateur.
Qu’il soit clair aussi qu’en livrant ce témoignage je n’ai pas le désir de convaincre, car je ne me fais pas apôtre de ce qui n’appelle d’ailleurs pas à un apostolat, et je ne me soucie pas qu’on me donne raison ou tort, ni même qu’on me taxe de déraison. En effet, selon moi, la distance prise avec ce type de préoccupations est le préalable à l’exposé de toute pensée libre.
Le retour à la primordialité
Dans une société habituée à considérer comme une richesse l’héritage culturel des générations qui l’ont précédée, Nietzsche a pris le parti de rejeter ce corpus philosophique et moral considéré par lui comme le jalonnement de la voie de l’erreur. Ce faisant, il se positionne en « penseur primordial » se retrouvant dans la même situation que les présocratiques ioniens, à l’aurore de ce qu’on peut appeler les prémices d’une pensée occidentale construite.
La référence n’est pas sans intérêt si l’on considère que les colonies ioniennes, en raison de l’effet de déracinement de toute colonisation, ont favorisé la rupture avec la subordination de la pensée aux mythes qui s’étaient imposés localement dans l’Attique et le Péloponnèse, et la substitution à ce mode de pensée archaïque d’une perspective physiologique de la vision du monde. On n’y explique plus la vie par l’en-haut olympien des dieux, mais par l’ici-bas des réalités de la Terre.
Tout aussi intéressant est le fait que la tradition prête une origine ionienne à Homère (notamment Chios ou Smyrne) et que la pensée homérique, sans ignorer les dieux, considère avec circonspection leurs rapports avec les hommes et exalte ces derniers à cultiver leurs valeurs propres dans leur rapport avec les réalités nourricières de la Terre, rejoignant en cela les visions des présocratiques.
En m’allégeant du fardeau de vingt-cinq siècle de philosophies et de morales qui ont blasphémé la Terre et fourvoyé les hommes dans un fatal processus d’épuisement, je redécouvre la jeunesse du monde. Dès lors, le temps m’apparait hors de l’illusion vectorielle, dans la réalité cyclique du retour récurrent à la primordialité qui est l’enfance du monde s’ouvrant sur tous les possible des potentialités métamorphiques du monde de l’enfance ! Le cri de la pensée libre n’est ni l’arrogant et vain « je veux » léonin des idéalismes et de leurs doctrines, ni le crédo indigne de pitié de leurs esclaves psalmodiant le « je crois » camélien, mais l’affirmation vivifiante de l’enfant vierge éclairé par sa conscience d’être : « Je suis ».
L’intuition visionnaire
L’intuition comme mode d’accès à la connaissance a été reconnue par tous les grands penseurs, d’Epicure à Sartre et Guénon en passant par Spinoza, Kant ou Heidegger. J’adhère aux concepts qu’ils ont développé à ce sujet, mais ma préférence va aux propositions d’Arthur Koestler (1) qui évoque la levée des contrôles intellectuels, l’activité d’un mental plus primitif et le débranchement des connexions habituelles. Pour lui l’intuition nous révèle ce qui a toujours été là, mais que des conditionnements intellectuels et psychologiques nous empêchaient de voir. Le cri « Eureka » d’Archimède exprime cette illumination.
L’intuition poétique
En se faisant penseur-poète Nietzsche s’affranchit du raisonnement philosophique ordinaire qui sacrifie aux « connexions habituelles ». Dans le Zarathoustra, images, métaphores et paraboles, d’ailleurs « rationalisables » a posteriori, disent plus qu’un discours didactique à celui qui accepte d’entendre ce langage.
Au demeurant, l’avancée des nouvelles technologies qui permettent à des « machines intelligentes » comme notre simple PC, de résoudre à une vitesse fulgurante des problèmes complexes, abonde par analogie en indices sur la manière dont notre cerveau est capable d’autant de célérité pour atteindre le vrai des réalités lorsqu’on le décharge du poids des interdits qu’il s’impose en sacrifiant au diktat de la rationalité préalable.
A la différence des rhapsodes qui chantent les mots des autres, l’aède, auteur doué d’inspiration poétique, est le créateur par excellence, le poiêtês, celui qui « fait » en disant ce qui n’a jamais été dit parce que la puissance de l’intuition poétique libérée peut donner forme verbale à ce que la raison ordinaire ne peut exprimer.
Il y a un niveau de lecture du Zarathoustra qui est révélateur de la nécessité d’un langage poétique pour interpréter correctement, me semble-t-il, l’itinéraire de ce personnage qui marche, allant inexorablement vers une rencontre avec lui-même au travers de l’alternance d’une solitude qui est conscience de soi, et de rencontres avec d’autres qui sont sa conscience des réalités du monde. Zarathoustra m’apparait initialement comme un prophète prisonnier de ses certitudes manichéennes, et qui, au fil d’une double « errance » (état du marcheur égaré et état du penseur dans l’erreur) prend conscience « tragiquement », donc sublimement, de son égarement et de son erreur. La fin est éloquente : le lion devient doux et rieur, annonçant l’ultime métamorphose, le temps des enfants, l’aube se levant sur la journée d’un grand midi. Autrement dit, le retour à la primordialité, l’éternel recommencement du monde qui n’appelle plus aucun discours.
On sait que le Zarathoustra est demeuré inachevé, Nietzsche ayant eu le projet de le terminer par la mort de Zarathoustra. Je ne m’en sens pas capable moi-même, mais je me plais à espérer qu’un poète inspiré nous offre sa vision de cette fin !
L’intuition cognitive
Si l’intuition visionnaire peut produire de la pensée que, par défaut, nous appellerons philosophique, elle peut aussi servir la pensée scientifique comme le montre l’accès des présocratiques physiologistes et cosmologistes à des connaissances que la pensée rationnelle n’a atteint que deux millénaires plus tard. Plusieurs d’entre eux, dont Empédocle, ont évoqué la sphéricité de la Terre avant Copernic, Galilée ou Bruno. Quant à Parménide, c’est lui qui a écrit ouden ex oudenos (en latin nihil ex nihilo), autrement dit rien ne nait de rien, comme le formulera bien plus tard Lavoisier.
Le mythe comme représentation
La naissance de la tragédie est le premier ouvrage majeur de Nietzsche. Quoique lui-même ait émis ensuite des réserves sur ce texte qu’il jugea sans doute trop influencé par son wagnérisme d’alors, cette vision critique qu’on peut partager n’invalide en aucun cas la géniale intuition de l’opposition-complémentarité « Dionysos-Apollon » trouvant sa résolution dans la tragédie. Car c’était bien là exposer les fondements qui soutiendront toute l’œuvre « poétique et prophétique » qui suivra. D’une part, l’accès direct à la connaissance par la voie de l’art où « l’impression » sensorielle précède la conceptualisation cérébrale, et non par celle de la conceptualisation préalable qui subordonne l’accès à la connaissance au respect de préalables raisonnés et de présupposés. D’autre part, l’attribution au mythe d’une fonction de représentation du « réel humain », hors du récit mythologique d’une cosmogonie divine, acte un « crépuscule des dieux » qui est davantage l’effacement derrière un voile de brumes, que le prélude à une nuit ténébreuse.
Opposition et complémentarité fusionnelle de l’apollinien et du dionysien
La représentation apollo-dionysienne du monde éclaire toutes les manifestations de l’être « étant » : caractère, situations créées, postures etc. Ainsi, dans une récente étude sur le rapport « maîtrise-tension », j’ai pu expliciter l’intention de mon propos, en qualifiant la maîtrise de posture statique apollinienne, et la tension de posture dynamique dionysienne. Plus schématiquement (en fait, géométriquement) la maîtrise est axiale et directionnellement verticale, tandis que la tension est vectorielle et directionnellement horizontale, leur rencontre les figeant dans une intersection qui les fixe au centre d’une croix, point statique d’une axialité et foyer d’un rayonnement dynamique multidirectionnel. Cette « représentation dans la représentation » ou « représentation de la représentation », démontre la richesse de l’opposition Apollon-Dionysos lorsqu’elle devient complémentaire dans la fusion apollo-dionysienne.
Cette fusion est parfaitement réalisée dans l’art poétique où le poème épique pourrait se définir comme « le verbe écrit et chanté », association instrumentale du calame et de la lyre, c’est-à-dire de l’écrit (apollinien parce que fixé sur un support) et du chant (dionysien puisque fugace, musical) (2). Verbe écrit + verbe chanté = poésie lyrique, dithyrambe de la tragédie originelle.
La tragédie comme représentation d’une métaphysique de l’art
Constatons d’abord que le terme métaphysique est devenu ambigu par l’usage qui en a été fait. On considère à tort, lorsqu’on la réduit à cela, que la métaphysique est le domaine du religieux. Or, si pour le croyant les réponses apportées aux questions fondamentales que pose la métaphysique en tant que partie de la philosophie traitant des réalités qui échappent aux sens, sont de nature religieuse, une approche areligieuse de ces question est évidemment possible.
La métaphysique de l’art que Nietzsche appelle métaphysique d’artiste, postule que le beau est un mode de l’être, ce qui est une réponse à une des questions fondamentale de la métaphysique qui est celle de la nature de l’être. Considérant la centralité de ce concept, on pourra dire avec Nietzsche que l’art est la véritable activité métaphysique de l’homme et qu’avec les yeux de l’art la pensée éclaire l’étant universel. Et contrairement à la réponse messianique du judéo-christianisme qui trace une voie rectiligne entre la chute originelle et la finitude des temps, le regard nietzschéen pénètre dès L’origine de la tragédie au cœur d’une réalité cyclique qui annonce déjà l’éternel retour : d’une part, la différenciation apollinienne qui crée les formes individualisées ; d’autre part, l’indifférenciation engendrée par la destruction dionysiaque des formes. Du coup cela nous permet d’entrevoir une autre annonce qui est celle d’un manichéisme zoroastrien qui n’est plus l’opposition platement morale du bien et du mal, mais l’alternance métaphysique de la lumière et de l’ombre que représentent l’érection apollinienne des formes jusqu’à leur déclin et leur écroulement dionysiaques. En fin de compte, c’est cela que célèbre la tragédie.
La quête de la vérité originelle, œuvre aboutie du penseur primordial
Le Zarathoustra est quête poétique, donc pathétique, du penseur qui cherche et se cherche. L’art n’y est plus une thématique, mais l’instrument de celui qui pense poétiquement. Nietzsche, comme le Christ d’avant l’Eglise (3) use de paraboles, d’allégories, d’images diverses. Tous les grands thèmes de la pensée nietzschéenne y sont présents et développés : la mort de Dieu, le surhomme, la volonté de puissance, l’éternel retour. Mon propos se refusant à tout didactisme, je ne vais pas les analyser, mais simplement rendre compte de leur influence sur ma pensée propre.
De la mort de Dieu au surhomme
La mort de Dieu est le détonateur d’un nouveau cours du temps de l’étant qu’elle prive de l’idéalité transcendante, exposant l’homme à tous les risques de la rationalité banale ou de l’idéalité matérialiste qui conduisent à idolâtrer les cours plaisirs, les illusions fugaces de la vie au jour le jour et à succomber à la tentation nihiliste du non-agir. Seule l’intuition du potentiel énergétique de la volonté de puissance peut empêcher cette fatale issue.
L’idéalité transcendante avait conduit à l’exaltation de l’ivresse d’une spiritualité « désincarnante » qui blasphémait la Terre et réduisait le monde sensible à une vie végétative. La volonté de puissance révèle l’immanence des forces de ce monde inspirant « l’étant-agissant » qui fait redémarrer l’horloge du temps dont les fausses béatitudes nihilistes ont suspendu le cours dans un présent « insignifiant » parce que privé de la double perspective du passé et du futur. L’homme simplement libéré de Dieu, incapable de dépasser l’insignifiance, est le « dernier homme » dont la vision qu’il offre permet de dégager par antithèse la vision du surhomme.
L’éternel retour
Je dis que le surhomme atteint la pleine conscience de sa surhumanité lorsqu’il devient le maître du temps. Cette plénitude se réalise lorsqu’on s’abstrait définitivement de la perspective du temps linéaire de l’idéalité divine qui conduit à fractionner le temps en introduisant dans l’infinité du passé et du futur, la parenthèse d’une Création, d’une genèse et d’une fin glorieuse des temps. Or, s’il y a une réalité du temps, elle ne peut être que circulaire.
Je vois un cercle vertical, une horloge sans aiguille où la durée parcours l’arc ascendant du demi-cercle gauche, puis l’arc descendant du demi-cercle droit. Le sommet est Midi, apogée de l’ascension, lumière zénithale. A l’opposé, en bas est Minuit, terme de la descente, obscurité. Mais Midi et Minuit, lumière et obscurité, sont des points janusiens. Midi est à la fois la fin de l’ascension et le début du déclin ; Minuit est à la fois la fin du déclin et le début de l’ascension ; Midi est la plénitude de la vie, l’éclat de la forme achevée et l’enclenchement de la dynamique létale ; Minuit est la mort accomplie, les ténèbres du chaos (le Tohubohu biblique) et la matrice de la vie naissante. Autrement dit, tout étant est voué au déclin avant son retour dans un nouveau cycle de vie et de mort. C’est l’éternel retour.
On peut rapprocher cela de la problématique qu’évoque Camus dans son Mythe de Sisyphe et qui est la même que pose Nietzsche : la perspective qu’offre l’éternel retour, comme le travail de Sisyphe, n’est absurde que lorsque l’homme refuse que lui-même et ses œuvres soient mortels. L’absurde est ce qui s’oppose aux idéalités qui offrent des visions d’éternité fondées sur un au-delà et/ou donnent du sens, de la justification, de la « raison » à l’activité. Le surhomme et Sisyphe se libèrent de la vision utilitariste du temps, trouvant leur bonheur dans le seul accomplissement de ce qu’ils font.
Intérieur et extérieur : le balancier de l’alternance
Certes, Nietzsche ne l’aurait pas formulé ainsi ; mais, précisément, je ne parle pas à la place de Nietzsche, je parle de mon expérience de son influence sur ma pensée propre. Ainsi, je superpose à l’alternance « ascension-déclin » de l’éternel retour qui est déplacement temporel -et en l’appliquant aux cours de l’une et de l’autre- à l’alternance « intérieur-extérieur » qui est déplacement spatial et qui est nécessaire à la juste mesure du temps total.
C’est dans le mouvement qui le conduit à un retour à son intériorité et en lui permettant de porter un juste regard sur l’extérieur, ce « souvenir sensible », que le surhomme accède à la pleine conscience de son état. S’il a parlé et n’a pas été compris, il ne vivra pas l’amertume du prêcheur prosélyte de l’idéalité transcendante ou la honte du héros vaincu, peut-être chassé sous une lapidation dont il porte encore les marques sanglantes. Parce que le prosélytisme et l’héroïsme sont totalement étrangers au surhomme. Vous viendrait-il à l’esprit de qualifier d’héroïques la passion et la mort du Christ, surhomme par parenté divine ? C’est que le héros est le combattant d’une cause ! Or, rien dans les évangiles ne présente Jésus sous ce jour. Il y apparait comme un prophète portant témoignage. Hormis l’épisode capital et en lien direct avec la croix, de la Cène (à propos de l’interprétation de laquelle, d’ailleurs il y aurait à considérer l’émergence tardive du concept éminemment discutable de la transsubstantiation) le Christ n’accomplit durant sa vie publique aucun geste sacerdotal. En fait, le Christ et le surhomme nietzschéen ne sont pas héroïques mais sacrificiels.
Mais il importe de ne pas se laisser abuser par l’interprétation doloriste du sacrifice qui sera celle de l’Eglise, en réalité « post-christique », offrant l’image lamentable du crucifié agonisant ravagé par la douleur. Ce dolorisme n’avait pas d’autre fin que de faire accepter à une humanité ses propres douleurs en réprimant la tentation de toute révolte : « n’avez-vous pas honte de gémir sur vous-mêmes, alors que Lui a subi bien pire pour le rachat de vos fautes et le salut de vos âmes ? A genoux, misérables, prosternez vous devant le rédempteur qui souffre à cause de vos péchés ! ». Non ! Le surhomme sacrificiel ne subit pas le sacrifice, il le vit comme accomplissement. Le vrai Christ devrait avoir sur son visage l’expression extatique du bonheur absolu et pourrait dire : « Réjouissez-vous avec moi car vous êtes sauvés et je suis heureux d’avoir accompli cela par amour de vous ! »
Ainsi, après l’extériorité de sa vie publique atteignant sont « point glorieux » avec les Rameaux, Le Christ de la Passion marche vers son intériorité jusqu’au point sommital du Golgotha : solitude, vision de la totalité du monde et conscience de l’accomplissement. Le surhomme zoroastrien ne vit pas autre chose !
« Mais toi, ô Zarathoustra ! Tu voulais apercevoir toutes les raisons et le fond des choses : il te faut donc te surmonter toi-même. Plus haut, jusqu’à ce que les étoiles elles-mêmes soient au-dessous de toi ! Oui ! Regarder de haut sur soi-même et sur les étoiles : cela seul signifierait que j’ai atteint le sommet, le dernier sommet à gravir ! » (Ainsi parlait Zarathoustra)
Quand le balancier s’immobilise
Cet extrait du Zarathoustra m’a inspiré une représentation métaphorique du surhomme et de la volonté de puissance. Elle commence par la vision du balancier qui s’immobilise en position verticale, axiale : l’intérieur et l’extérieur se confondent dans le même « lieu du temps » où s’accomplit le sacrifice qui ouvre au surhomme devenu « tout-étant humain » qui est son dépassement dans l’infinitude de son potentiel métamorphique, la perspective infinie du « tout-étant du monde » qui est fusion de « tous les étants » de la Terre.
Projeté moi-même dans la situation que je représentais, je ne pus que voir qu’avant l’aurore ionienne de la philosophie que suivit la corruption socratique induisant le cours erratique qui s’est poursuivi jusqu’à la fin de la philosophie, il y eut des civilisations brillantes dont il ne subsiste pas traces de pensées, mais offrant les interrogations que peuvent susciter les vestiges de leurs constructions cyclopéennes et l’héritage de leurs mythes. Je pense évidemment aux Mycéniens et aux Crétois minoens.
Ce recul propice qui nous renvoie aux temps homériques n’est pas fortuit. Nietzsche lui-même en opère un semblable dans la poursuite du parcours poétique de son Zarathoustra, lorsqu’il évoque l’inattendu couplage Ariane-Dionysos qui ne peut que tenter mon imaginaire. En effet, si l’on sait qu’Ariane, fille du roi Minos et de Pasiphaé, elle-même fille de l’apollinien Hélios, aide Thésée à vaincre le Minotaure et à ressortir du labyrinthe, on ne réalise pas toujours qu’elle est la demi-sœur du Minotaure, fruit de la séduction de sa mère par le taureau blanc que Minos, malgré sa promesse, n’a pas offert en sacrifice à Poséidon. Abandonnée ensuite par Thésée, Ariane se consolera dans les bras de Dionysos. Ce couple improbable pourrait représenter la transmutation surhumaine d’Ariane en « femme totale » investie de la puissance dionysiaque, ou bien (j’assume mon délire) un Dionysos qui serait la figuration épiphane du Minotaure transmuté lui-même dans une union fusionnelle de la demi-sœur avec le demi-frère pour former l’androgyne surhumain, car le dépassement de l’homme serait privé de sens sans le dépassement de la femme, et dépasser l’homme et la femme c’est dépasser le binaire sexuel dans l’unité du tout-étant humain.
Nous touchons là à un aspect du mythe dionysien qui n’a pas échappé à Nietzsche et qui est un polymorphisme apparaissant comme une aptitude de Dionysos à faire apparaitre en lui jusque, parfois, à l’assimilation, plusieurs autres dieux ayant une valeur de représentation majeure dans le panthéon de la mythologie grecque, par exemple Janus ou Hadès. C’est aussi Zagréus dans la légende orphique, lui-même avatar d’Hadès. Quant à Apollon, on peut se demander s’il n’est pas « dévoré » par Dionysos dans l’indifférenciation apollo-dionysiaque !
Pendant ce temps (comme on dit dans les récits d’aventure !), Dédale, le concepteur du labyrinthe, et son fils Icare, réussissent à s’en évader en fabriquant des ailes en cire et en plumes. Malgré la mise en garde de son père, Icare, grisé par son vol, s’approche trop près du soleil, provoquant la fonte de la cire et la dispersion des plumes, ce qui entraine sa chute en mer. Admirable image de l’hybris, manifestation dionysiaque du dieu de l’excès ! Car Dionysos, maître du déclin, inspirateur subversif de la déconstruction, célébrant obscène du déchainement sensuel, fait entendre par les canaux de l’oreille labyrinthique la musique assourdissante qui accompagne les transes de la danse létale de ceux qu’il possède ! Et, disant cela, j’ai conscience d’entamer, comme une action de grâce à lui adressée, le dithyrambe d’un adorateur avide de surhumanité !
Voilà donc où conduit cette ascension qui mène au-dessus de tout : au bonheur d’y être parvenu en pleine conscience de la mort qu’annonce cette arrivée au sommet, à cet état supra humain et si humain de l’ivresse des cimes.
Le pathos tragique, révélation psychologique de la souffrance nécessaire : le dressage de l’homme
Pour Nietzsche la nécessité du dressage de l’homme est une conséquence de la mort de Dieu. En effet, Dieu châtiait celui qu’il aimait ; donc, après sa mort l’homme doit se châtier lui-même. Raisonnement discutable, car si le châtiment de Dieu avait une cause, celui de l’homme par lui-même semble sans cause. Certes ! Mais ce qui n’a pas de cause peut néanmoins avoir une fin ! Dans ce cas on appellera plus justement « dressage » ce châtiment sans cause. C’est le terme qu’emploie Nietzsche ; fort à propos, d’ailleurs, en tous cas dans la traduction française, car si « dresser » a le sens de dompter, il a aussi celui d’ériger, de tirer vers le haut.
La finalité de ce dressage apparait quand on considère la condition humaine après la mort de Dieu. Libérée des obligations religieuses et morales imposées par la toute-puissance divine, la liberté absolue de l’humanité sans loi, l’expose au risque d’une vie individuelle végétative et à celui du chaos collectif en le plongeant dans le néant désespérant du nihilisme. Pour surmonter la tentation nihiliste autodestructrice, l’homme doit se discipliner lui-même, se structurer, se vouloir.
Toute volonté a une fin qui apparait dans la structuration d’une forme, une plastique apollinienne qui est celle de l’édifice, de la statue, du corps qu’on muscle au gymnase et dans la lutte. Or, tandis que la volonté de puissance veut la forme, le déferlement dionysiaque brise toute forme. Le dressage consiste donc pour l’homme à vivre dans la tension tragique de cette antinomie de puissances en l’entrainant à la maîtrise d’un équilibre « pathétique » dans la posture de l’écartèlement (4).
Lhomme qui se donne sacrificiellement à son dressage accède à la double maîtrise ou maîtrise totale : apollinienne dans l’orgueil nécessaire de son érection qu’il saura limiter au seuil de l’hybris car il doit être victime consentante de sa chute ; dionysienne dans une gaie soumission au châtiment sans cause de sa déconstruction « osirienne ». Il vit l’engloutissement dans l’indifférenciation où comme maints dieux, demi-dieux et héros légendaires il visite l’empire des morts (où Dionysos prend la figure d’Hadès), prêt à reprendre l’ascension apollinienne, mu par une volonté de puissance renouvelée.
Dans une version psychologique de cette expérience de dressage, l’ascension apollinienne se situe dans l’espace sociétal diurne et la descente dionysiaque s’effectue dans l’espace initiatique nocturne qui est celui des mystères d’Eleusis où la dimension orgiaque du rite, libératoire jusqu’à l’obscénité des jouissances bestiales, participe à l’effondrement de l’orgueilleuse posture apollinienne. En écrivant cela je suis tenté par un projet d’ode à la souffrance d’Apollon humilié, sur le mode sarcastique d’un Aristophane !
La cathédrale inachevée
Le dressage de l’homme apparait dans le quatrième livre de l’œuvre posthume, La volonté de puissance. Nietzsche a clairement dit qu’il s’agissait de son ouvrage le plus important, l’édifice principal dont Ainsi parlait Zarathoustra avait été le portique. Il a fait cette annonce en 1884, seize ans avant sa mort ; mais dès les années suivante il est rattrapé par la maladie qui atteint un point de non-retour en janvier 1889 (5). Nietzsche n’a pas même commencé une rédaction élaborée de son ouvrage. Néanmoins il a rassemblé sans les classer de très nombreuses notes qui sont autant de fragments d’un puzzle par ailleurs incomplet. La volonté de puissance telle que la présenteront les éditeurs, est donc le regroupement de ces aphorismes suivant le plan voulu par Nietzsche lui-même d’une division en quatre parties.
La lecture de ces centaines de « morceaux de pensée » se succédant suivant la logique approximative d’une thématique, apparait d’abord comme un prolongement des thèmes abordés dans le Zarathoustra. Mais peu à peu, et singulièrement dans le quatrième livre, j’ai assez clairement vu s’affirmer une intention de leur mise en œuvre sociétale, comme si Nietzsche avait voulu « passer de la théorie à la pratique ». Certains passages qui font écho, par exemple, aux thèmes de la morale des maîtres dans Par-delà le bien et le mal, prennent la forme d’extraits d’un véritable « programme de gouvernement ».
Là a commencé pour moi la montée d’un certain malaise. La question que je me suis posée -et que je me pose encore à ce propos- était de savoir s’il était pertinent d’aller aussi loin dans la présentation brutale des applications « pratiques » de la volonté de puissance en tant que « vouloir vivre » libérant l’énergie puissante, quasiment incontrôlable parce que pas seulement humaine mais provenant du tout-étant cosmique, qui propulsera l’humanité vers son devenir. Autrement dit, n’oubliant pas ce que j’ai exposé dans mon article Prométhée déchainé, j’ai pensé à la nécessité de ne pas dévoiler certaine choses au plus grand nombre, parce que tous les individus ne sont pas en mesure de les connaitre sans risque pour eux-mêmes et pour la collectivité.
Nietzsche ne s’est-il pas mis en contradiction avec lui-même en mettant sur le pied d’égalité d’un lectorat unique, ceux qu’il nomme les forts et les faibles ? Car l’ouvrage projeté n’avait pas vocation à la confidentialité et à ne toucher qu’un public « averti ». Même dans son état fragmentaire (mais intelligible !) La volonté de puissance n’a pas manqué de donner lieu à une lecture « profane », source de dérives interprétatives de type « élisabéthain » (6).
Prenons, par exemple, les aphorismes numérotés 209 et 210 dans l’édition NRF Gallimard de 1948 :
209
Comment le tempérament grec sait utiliser toutes les qualités redoutables :
La rage féroce et destructrice (des tribus etc.) dans la rivalité sportive ;
Les penchants contre nature (dans l’éducation de l’adolescent par l’homme) ;
La réserve hostile de l’individu (erga) dans l’apollinisme ;
L’utilisation des choses nuisibles, idéalisée dans la cosmologie d’Héraclite.
(Conclusion : dithyrambe à l’art et aux artistes car c’est eux qui dégrossissent l’homme et traduisent ses instincts dans la civilisation.)
210
Ces hommes dont les vertus sont l’inflexibilité, la maîtrise de soi, l’héroïsme, montrent, dans l’extrême insensibilité, la dureté et la cruauté qu’ils apportent à juger les autres et à agir envers eux, quel est le fondement vrai de leur vertu. Ils aiment à traiter les autres comme ils se traitent eux-mêmes ; mais comme cette dureté envers soi semble rare et utile aux hommes, donc respectable, alors que la dureté envers autrui leur est pénible, on décompose ce sentiment en une bonne et une mauvaise moitié. Tout compte fait cette dureté impassible a probablement été très utile à l’humanité ; elle a soutenu les opinions et les efforts des hommes et a donné à des peuples entiers, à des époques entières, ces mêmes qualités d’inflexibilité, de maitrise de soi, d’héroïsme, les a faits grands et forts, et dominateurs.
Les notions d’inflexibilité, d’insensibilité de dureté impassible, de cruauté, de grands, forts et dominateurs, ne peuvent manquer d’évoquer pour le lecteur ordinaire, les principes sur lesquels s’appuient les dictateurs, les tyrans et la barbarie assumée de certains d’entre eux (et fatalement les nazis). Dès lors Nietzsche peut être suspecté d’avoir été leur inspirateur, comme semble le confirmer sa sœur. Or, une lecture historique plus perspicace s’attachant notamment à comprendre la psychologie des dirigeants, révèle que ces notions que Nietzsche lui-même qualifie de qualités redoutables, ne sont pas l’apanage des dictateurs et des tyrans : elles sont celle de tous les grands leaders qui entrainent les peuples dans l’adhésion à une entreprise collective, y compris dans les pseudo-démocraties auxquelles bien de graves reproches peuvent être adressés, mais certainement pas celui de la barbarie. Alors, où est la différence ? Selon moi il n’y a pas de différence fondamentale dans les ressorts psychologiques qui animent les conduites des uns et des autres et qu’on peut appeler volonté de puissance ; la différence capitale réside, d’une part dans la finalité de leur action au service de laquelle ils mettent ces « qualités », d’autre part dans le fait que les uns revendiquent sans vergogne leur posture, tandis que les autres l’adoptent par nécessité en en assumant les conséquences au nom de l’intérêt supérieur de la nation. C’est ainsi qu’ont toujours agi les plus hauts responsables civils et militaires durant les conflits majeurs : en prenant des risques stratégiques considérables en termes de sacrifice de vies humaines. Il fallait cette volonté inflexible au service d’un but, cette dureté, cette insensibilité, à des Churchill, Roosevelt, De Gaulle pour envoyer à la mort dans des proportions froidement évaluées, les militaires, les résistants et les victimes collatérales civiles, pour réussir le Débarquement qui devait abréger le conflit, reconquérir le territoire européen et défaire le pouvoir nazi. Il fallait la même froide détermination, la même insensibilité, pour décider les bombardements des populations civiles de Dresde, Hambourg ou Berlin. Face à eux, développant les mêmes « qualités » dans la conduite de l’action, mais sans la maîtrise qui eût pu lui éviter l’hybris fatale, œuvrait le vétéran du camp des vaincus, animé d’une folie haineuse et vengeresse, plus soucieux de détruire au nom d’un déni réparateur du passé, que de se projeter dans l’avenir ; ce qui disqualifiait toute prétention à une revendication nietzschéenne de son inspiration.
La leçon « nietzschéenne » que j’en tire, est que dans les moments cruciaux de l’histoire, les idéalismes s’effacent devant la réalité « terrestre » -je dirais « charnelle » - des situations exigeant les décisions de chefs mentalement capables de les prendre en dépassant les conditions ordinaires de leur action. Ils doivent, dans ces moments-là, se « surhumaniser » (donc, se déshumaniser !) en répondant, du fond d’un atavisme animal, à l’appel du « vouloir vivre » ancestral de tout groupe humain. C’est, ni plus, ni moins, la manifestation de ce lien cosmique de l’homme avec la réalité universelle d’où lui vient cet instinct.
Ce que Nietzsche propose dans La volonté de puissance, c’est que cette attitude que je viens d’appeler « surhumanisation » ne soit pas occasionnelle, dictée par des nécessités impérieuses, mais soit une constante de la conduite des faibles par les forts. Le débat que cela peut susciter ne peut être réduit à un jugement moral au nom des valeurs dites républicaines ou démocratiques. Il le peut d’autant moins que la démocratie est bâtie sur une imposture qui consiste à faire croire à la masse majoritaire des faibles qu’elle a le pouvoir (le peuple souverain !), alors que les mécanismes subtils de l’oligarchie parlementaire fondée sur la mandature représentative et non sur la mandature impérative (7), éloignent la masse des centres de décision et l’exposent à toutes les trahisons. La formule « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » résume avec un cynisme éhonté comment l’élite dirigeante issue des partis et de la mandature représentative s’accapare les leviers de commande et doit donc exercer en permanence une gouvernance recourant à la ruse, au mensonge, à la dissimulation, tout en développant une rhétorique préservant, essentiellement par des formules verbales, les apparences de la démocratie. Les dirigeants s’expriment et décident, (évidemment c’est peu cher payé puisqu’il s’agit de mots), « au nom du Peuple Français » !
En fait, je pense, à tort ou à raison, que tout en se projetant dans la perspective d’une réalisation sociétale, Nietzsche était encore dans la démarche visionnaire du philosophe, n’ayant sans doute pas conscience que tout en étant jamais aussi immergé dans les profondeurs des réalités cosmiques, il caressait dangereusement la surface des idéalités systémiques. Car en fin de compte, toute son œuvre, parce qu’elle manifeste lucidement une rupture radicale avec le cours millénaire d’une pensée cumulative, donc inflationniste, en proclamant « faisons table rase et repartons à zéro », prend le risque de conduire à la désespérance nihiliste. L’ayant compris, après avoir démoli avec un acharnement jubilatoire l’édifice déjà ébranlé de deux à trois mille ans de pensée occidentale, il a mis tout autant d’acharnement à combattre ce nihilisme par l’annonce -il faudrait d’ailleurs dire « annonciation » - de l’éternel retour et de la volonté de puissance. Ce faisant il n’a pu être compris que par une élite de la pensée apte à assumer la révélation de la solitude de l’homme dans l’univers et/ou de s’en consoler dans les promesses de la science, aussi bien que dans la solidarité avec les restes du tout-étant. Le reste de l’humanité, si tant est qu’il l’ait compris, est resté sourd ou aveugle à un tel message, continuant à préférer le réconfort de chimères qui alimentent la foi des crédules et les rêves opiacés des sceptiques !
Le problème que pose la mort de Dieu n’est pas seulement celui, ontologique, du sens de la vie. C’est aussi la disparition de l’autorité spirituelle censée s’imposer au pouvoir temporel. Que peut-il y avoir désormais au-dessus de ce pouvoir inspirant son action ?
Une religion sans Dieu(x) ?
La mort de Dieu est-elle la mort de toute déité ou seulement la mort du Dieu judéo-chrétien ? La question mérite d’être posée pendant le temps long où se propage l’annonce de cette mort, car le coup d’éclat de Nietzsche n’atteint pas instantanément tous les tympans, loin s’en faut. L’Eglise, elle, ne meurt pas, elle agonise peu à peu, ses temples ne s’effondrent pas mais se défont pierre par pierre. Cette Eglise n’est pas celle du Nazaréen crucifié, elle est celle de Paul, bâtie sur l’imposture astucieuse d’un syncrétisme fusionnant une hérésie judaïque et la part nécessaire de l’héritage gréco-romain.
Je pense que Nietzsche n’eût pas réprouvé que la masse profane de ceux qui n’ont pas l’aptitude des « maîtres » à réaliser leur surhumanité, rendît un culte aux Olympiens, car il était certainement conscient qu’il fallait plus que la tyrannie du pouvoir temporel pour que s’opère la soumission sincère de cette masse, si on lui ôtait la foi en quelque entité suprahumaine. Et que pouvait-être une telle entité, compatible avec la surhumanité et l’éternel retour ?
C’est là que je ressens le manque d’un cinquième livre de La volonté de puissance ou bien un ultime ouvrage, qui traiterait franchement du rapport de Nietzsche avec la métaphysique. Car le rejet de la religion en tant qu’idéalité doctrinale, n’abolit pas la religion en tant que « fait religieux » inhérent à la psychologie humaine et formatant son mental. La mort de Dieu ne « tue » pas la religion, elle ouvre la voie à une religion sans Dieu. Et ici je vois apparaitre la figure de Jean, le Jean janusien dont une face annonce que « le Verbe s’est fait chair », auquel Nietzsche pourrait répondre « la chair s’est faite Verbe ». En effet, à la transcendance de la première proposition s’oppose l’immanence de la seconde où la chair, représentant la notion chère à Nietzsche de l’appartenance de l’homme à l’étant-total de la réalité cosmique « substantielle », par la transmutation de l’homme en surhomme, inverse la vision métaphysique de l’étant : lorsque Zarathoustra arrive « au-dessus des étoiles », cet au-dessus n’est pas l’en-haut du Ciel. L’ascension verticale l’a amené au-delà de tout sommet, en-dehors des directions de la croix, donc non plus « en-haut » mais « hors de » : oui, la chair s’est faite verbe. Dans la cathédrale nietzschéenne érigée par la volonté de puissance, sur l’axe invisible qui du zénith de la clef de voute plonge jusqu’au nadir, règne un Verbe qui n’est plus l’incarnation subhumaine de Dieu, mais un Verbe qui est le souffle dionysiaque de la régénération permanente de la volonté de puissance au sein de l’éternel retour.
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- Romancier et essayiste hongrois (1905-1983)
- Ce que résume l’adage latin Verba volent, scriptura manent (les paroles s’envolent, l’écrit reste)
- Nous appelons « Christ d’avant l’Eglise », le personnage que les évangiles appellent Jésus de Nazareth et dont on peut penser, malgré ces témoignages bien tardifs et des manipulations probables, qu’ils restituent en grande partie son enseignement. L’Eglise a ensuite abondamment parachevé l’œuvre testamentaire des évangélistes pour donner corps et légitimation à la construction et à la consolidation d’une religion auxquelles elle s’est attelée avec détermination.
- La représentation de « l’homme de Vitruve » me parait être une bonne illustration de cette posture car c’est un écartèlement vertical, « en gloire », à l’opposé de celui, horizontal, de la roue, un pur châtiment qui a sa cause et ne saurait évoquer la noblesse d’un dressage.
- C’est le fameux épisode de Turin et du cheval. A partir de ce jour (3 janvier 1889) Nietzsche doit être interné et il ne sort plus du délire avant de sombrer dans un silence complet. Il meurt le 25 août 1900.
- Adjectif que je crée à partir du prénom d’Elisabeth Föster-Nietzsche, sœur de Friedrich, nazie convaincue, adulatrice d’Hitler.
- Le mandat impératif correspond à la démocratie directe que préconisait Jean-Jacques Rousseau. Il impose au représentant des électeurs de respecter le contenu d’un programme qu’il doit impérativement respecter, sous peine d’être démis de son mandat.
Source complémentaire aux extraits de l’œuvre nietzschéenne : Eugen Fink (1905-1975) La philosophie de Nietzsche, Les Editions de Minuit, 1965, pour la traduction française.